Bien être et motivation au travail

Présentéisme numérique : comment y remédier ?

Si les « présentéistes » pensent bien faire, ils prennent en réalité de nombreux risques avec un supplément de fatigue,…

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Dans le monde professionnel, le paraître joue un rôle important pour bien se faire voir. C’est la manière dont on est habillé, comment on se présente, le style et le ton de sa communication orale, la capacité à interagir avec les autres, mais aussi le temps que l’on passe en entreprise. Dans le secteur tertiaire, les horaires sont généralement moins cadrés que dans d’autres secteurs et le temps passé au bureau est un marqueur social censé exprimer son engagement, son implication et sa motivation. Un salarié qui vient tôt et qui quitte tard est donc bien vu. Or, avec le travail hybride et le télétravail, ce présentéisme tend à migrer des open spaces aux home-offices. Une situation qui n’est pas sans conséquence sur la santé physique et mentale des salariés, mais aussi sur leur efficacité et leur productivité.

Qu’est-ce que le présentéisme numérique ?

Le présentéisme consiste à exagérer le temps où un salarié est à la disposition de son employeur soit en faisant des journées à rallonge, soit en travaillant quand il ne devrait pas travailler (par exemple pendant ses vacances ou le week-end), et même en cas de problème de santé. C’est un sujet complexe à appréhender, car derrière la volonté de bien faire les choses, le salarié qui fait du présentéisme peut aussi  :

  • être présent au travail sans produire un travail concret ;
  • déranger ses collègues et instiller une culture de défiance ;
  • être le signe d’une démotivation ou d’une souffrance ;
  • être en lien avec l’augmentation des risques psychosociaux ;
  • créer des problèmes et des incidents s’il n’est pas en mesure de faire son travail correctement ;
  • développer une culture malsaine de compétition dont le vainqueur est celui qui reste le plus tard.

La question du présentéisme dépend fortement des conditions de travail, de la culture de l’entreprise, mais aussi des stéréotypes véhiculés par les normes sociales en vigueur. Ainsi, en France, un manager qui travaille tard est souvent vu comme un performeur, là où en Amérique du Nord, ce serait avant tout une personne mal organisée obligée de rester tard pour faire ce qu’elle n’est pas capable de faire dans le cadre d’une journée normale.

Le présentéisme est un problème, car il peut être culpabilisant pour les autres et générateur de stress pour ceux qui en font trop. C’est le cas lorsque le travail déborde sur la vie privée, ou que le salarié ne dispose pas des moyens nécessaires pour faire correctement son travail. Avec le développement du télétravail, le présentéisme n’est pas resté enfermé dans les entreprises et a envahi la vie personnelle des salariés. On parle alors de présentéisme numérique pour désigner le fait d’être connecté avec son travail sur de très longues périodes de temps et de répondre aux messages, appels et e-mails à tout moment, y compris en dehors des horaires légaux de travail.

Les impacts et les conséquences du présentéisme numérique

Une étude de Malakoff Humanis avance quatre raisons principales qui justifient le présentéisme dans les entreprises, en particulier lorsque les salariés sont malades et ne doivent pas travailler : 

  • 39 % des salariés ne veulent pas se laisser aller.
  • 37 % car les journées de carence ne sont pas prises en charge.
  • 22 % affirment qu’ils ne peuvent pas déléguer leurs tâches
  • 21 % ont peur d’être surchargés à leur retour.

Si les « présentéistes » pensent bien faire, ils prennent en réalité de nombreux risques avec un supplément de fatigue, un mal-être, de l’insatisfaction au travail, mais aussi de la démotivation, un travail de moins bonne qualité, et une dégradation de l’ambiance de travail. 

À distance, la situation est encore plus difficile à traiter et il est important de définir des normes de comportement au sein des équipes. Pour qu’elles soient utiles et efficaces, les pratiques de travail à distance doivent faire l’objet d’un accompagnement spécifique, car on ne passe pas toujours facilement du présentiel au distanciel. Si ce travail n’est pas réalisé correctement, le télétravail risque de ne plus être efficace, de conduire à l’isolement professionnel, malgré des heures passées à enchaîner les réunions virtuelles. Pire, cela peut mener à un désengagement des salariés qui se sentent déconnectés de la réalité du terrain et des valeurs de l’entreprise. Ce phénomène a un nom : la « Zoom fatigue  ​». C’est une théorie développée par des chercheurs de l’université de Stanford – qui ne concerne d’ailleurs pas que Zoom – et qui souligne le fait que ces outils épuisent l’esprit et le corps. En cause : un contact visuel trop rapproché et très intense, une fatigue provoquée par le fait de se voir constamment en temps réel pendant les appels vidéo, une réduction de la mobilité naturelle et une charge cognitive beaucoup trop élevée. Plus on les enchaîne, et plus on marque son territoire en étant présent, et plus on prend le risque de s’épuiser et d’épuiser les autres.

En présentiel, les risques psychosociaux peuvent se détecter relativement facilement, car le corps parle. On interagit, on s’exprime, on se voit, et la communication non verbale joue un rôle fondamental. Dans un open space, on peut rapidement voir qui est heureux, qui ne l’est pas. Qui se referme, et qui est en pleine forme. C’est beaucoup plus difficile de gérer cette approche à distance. Pour y parvenir, il faut former les managers à savoir détecter les signaux faibles. Cela peut être des personnes qui ne répondent pas aux e-mails ou aux messages instantanés, qui ne s’expriment pas en réunion, qui ne participent pas, ou à l’inverse qui en font trop. Ce n’est pas parce qu’un salarié est connecté, semble disponible et répond qu’il n’est pas en détresse.

Quelles sont les solutions pour lutter contre le présentéisme numérique  ?

La question du présentéisme est protéiforme, car elle peut toucher tout le monde, mais de différentes manières. Les solutions sont donc tout aussi variées. Quelques exemples :

La confiance

C’est un levier clé pour un meilleur équilibre et les managers doivent apprendre à faire confiance à leur équipe. Ce n’est pas parce qu’un travailleur ne répond pas dans la minute à un message instantané qu’il est suspect. Derrière cette peur que le salarié à distance passe sa journée sur Netflix se cache en réalité un profond malaise culturel et organisationnel. Il faut reprogrammer le logiciel interne de l’entreprise pour faire du travail à distance un levier d’efficacité et de performance où la confiance est primordiale. Sans confiance, le télétravail ne peut pas fonctionner durablement.

Une technologie bienveillante

Aux États-Unis, on assiste à une montée en puissance d’outils de contrôle et de sanctions. C’est le cas des logiciels de surveillance. À partir du moment où l’entreprise fait installer de tels outils capables d’observer les salariés par la webcam de l’ordinateur, de faire des captures d’écran à intervalle régulier, d’enregistrer tous les sites web visités ou toutes les actions réalisées (y compris les mouvements de la souris), c’est qu’il y a un vrai problème. En France, ce type de pratique est illégale. Pour autant, d’autres formes de contrôle, notamment par les pairs, ont vu le jour. Le fait d’indiquer que l’on est disponible ou pas sur un outil de messagerie instantanée est ainsi utilisé comme un marqueur de fiabilité et d’assiduité. Pour éviter le présentéisme numérique, il faut donc utiliser la technologie à bon escient.

Fixer des règles

Ne pas envoyer de messages après 19 heures, ne pas attendre une réponse immédiate, ne pas immédiatement rappeler une personne si elle ne décroche pas… ce sont autant de règles et de normes que les entreprises peuvent instituer. C’est la même chose sur le choix du bon outil pour le bon message. Entre SMS, Slack, e-mail et visioconférence, chaque outil doit être utilisé selon le sujet et le contexte.  

Le droit à la déconnexion

En dehors de ses heures de travail, tout salarié n’est pas tenu d’être en permanence joignable par son employeur pour des motifs liés à l’exécution de son travail. Dans le cadre du télétravail, mis en place de façon exceptionnelle ou non, le droit à la déconnexion s’applique également. Cependant, les modalités de ce droit doivent être prévues par l’entreprise. Instauré par la loi dite « Loi travail » du 8 août 2016, le droit à la déconnexion est en vigueur depuis le 1er janvier 2017. Il vise à assurer le respect des temps de repos et de congés, garantir l’équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle et familiale, et protéger la santé des salariés.

Avec la distance, il est parfois difficile de recréer des normes de travail équilibrées et de maintenir le lien social. Le présentéisme numérique doit donc être combattu en entreprise et les managers doivent donner l’exemple. Sinon, vous risquez de voir s’étioler la motivation de vos équipes et vos meilleurs talents partir.

Crédit photo :   depositphotos.com

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À propos de l'auteur

Dalale Belhout

Directrice au sein de la Fondation FACE (Fondation Agir Contre l'Exclusion), Dalale dirige le Club des entreprises socialement engagées de Seine-Saint-Denis et sensibilise acteurs privés et publics aux enjeux de recrutement inclusif et de diversité en entreprise. Ancienne Head of Content chez DigitalRecruiters, elle est aujourd'hui ambassadrice du Lab'DR, une communauté d'experts qui partage réflexions et bonnes pratiques sur le blog. Dalale est par ailleurs co-auteur de plusieurs ouvrages dédiés au digital appliqué aux RH, à la marque employeur et au recrutement responsable et éthique, sujets sur lesquels elle intervient régulièrement en tant que conférencière.