Entretien embauche

Ce que le tutoiement nous apprend sur l’évolution de nos entretiens d’embauche

Le tutoiement est devenu courant au quotidien en entreprise, mais qu’en est-il en phase de recrutement ? Que nous apprend…

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Après être devenu la norme en entreprise, le tutoiement s’impose peu à peu en entretien. En effet, de nombreux recruteurs hésitent désormais à utiliser le vouvoiement imposé par cet exercice. Entre respect et complicité, comment choisir entre “tu” et “vous” sans faire d’impair ? Que nous apprend la généralisation du tutoiement sur notre manière de recruter ? Quelles sont les bonnes pratiques pour utiliser le “tu” en entretien d’embauche ?

1. Les raisons de la généralisation du tutoiement en entreprise

63 % des Français tutoient leur supérieur hiérarchique

Naguère cantonné aux relations interpersonnelles, le tutoiement est aujourd’hui de plus en plus répandu dans le domaine professionnel. Le magazine Sociologie du travail révèle que 63 % des Français tutoient leur supérieur hiérarchique. Mais d’où vient cette habitude ? Plusieurs facteurs peuvent être explorés.

Un retour au tutoiement citoyen égalitaire ?

Le tutoiement avait été instauré naguère sous la Révolution, afin de supprimer la distinction entre les classes sociales. La pratique n’a pas résisté aux restaurations monarchiques et à l’Empire, mais son expansion en entreprise pourrait s’expliquer par la volonté de créer de la proximité entre les salariés.

 

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Aujourd’hui, le statut a tendance à être gommé et certaines entreprises privilégient une ambiance de travail moins formelle en recourant au “tu” généralisé. Celui-ci n’est pas sans avantages :

  • il fait tomber les frontières entre générations, même si on vouvoie plus facilement son aîné ;
  • il fait reculer la distance hiérarchique, même si le tutoiement du patron reste souvent à l’initiative de ce dernier ;
  • il favorise l’esprit d’équipe en mettant tout le monde sur un pied d’égalité et en créant une communauté informelle.

Le tutoiement introduit nécessairement une certaine familiarité qui peut être à double tranchant. Dans certains cas, le manager a l’impression de perdre en autorité et le tutoiement peut même entraîner un manque de respect, mutuel ou non. Le tutoiement peut aussi être interprété comme une pratique manipulatoire sous forme d’une convivialité forcée, voire d’une amitié factice.

Des causes multi-factorielles riches d’enseignements

Le retour au “tu” en entreprise procède de différents facteurs. D’abord, l’internationalisation a banalisé le “you” anglais qui correspond autant au “tu” qu’au “vous”. Elle a montré aussi que l’usage du tutoiement ne signifie pas la fin des relations hiérarchiques !

Ensuite, l’essor des start-ups et leur ambiance décomplexée a mis la mode du tutoiement généralisé au goût du jour. L’objectif est de montrer une culture d’entreprise plus ouverte et débarrassée des stéréotypes liés au statut : tout le monde se tutoie, du chef au salarié.

Néanmoins, le tutoiement reste souvent un privilège relationnel qui se mérite, aux yeux des salariés comme des managers. Tutoyer quelqu’un sans son accord revient à le considérer comme inférieur, selon le sociologue Alex Alber.

La plupart du temps, la pratique du tutoiement montre une certaine modernité de management et la volonté de se démarquer des habitudes formalistes et statutaires. Toujours selon Alex Alber, le tutoiement se rencontre aussi plus facilement dans les entreprises fonctionnant sur le modèle du management par objectifs. Un environnement moins directif favorise donc le “tu”, là où le vouvoiement est plutôt synonyme d’autorité formelle.

2. Tutoyer en entretien d’embauche, pourquoi faire ?

L’habitude sociale pousse à vouvoyer quelqu’un qu’on rencontre pour la première fois. C’est typiquement le cas d’un candidat face à un recruteur. Or, certaines entreprises optent pour le tutoiement dès l’entretien d’embauche. Rappelons que le but d’un entretien de recrutement est de juger des compétences du candidat, qu’il s’agisse des hard-skills ou des soft-skills. Il vise aussi à valider la capacité du futur employé à s’intégrer à l’équipe. Lorsque le manager direct est aussi le recruteur, il est donc à la fois juge et parti : son but est de savoir s’il est susceptible de travailler efficacement avec ce candidat.

Certains managers considèrent l’entretien d’embauche comme un échange et un exercice de partage des objectifs. A priori, votre profil intéresse le recruteur et vous êtes intéressé par le poste. Vous êtes donc amenés à travailler ensemble, si la concordance se confirme. Pourquoi utiliser un vouvoiement factice si l’habitude est de se tutoyer dans l’entreprise ?

Partant de ce constat, mettre à l’aise le candidat en utilisant le tutoiement peut donc être une bonne idée, si cette pratique reflète l’ambiance en interne. Mis en confiance, il peut se livrer tel qu’il est et exprimer tout son potentiel.

A contrario, le stress et la distance induits par le vouvoiement peuvent créer un filtre qui biaise la perception de l’échange. En allant plus loin, si un candidat s’étonne d’être vouvoyé dès l’entretien par le recruteur, alors qu’il s’agit d’une habitude ancrée dans l’entreprise, il y a de fortes chances pour que le courant passe mal.

3. Les bonnes pratiques pour utiliser le tutoiement en entretien d’embauche

Si vous tenez à utiliser le “tu” dans votre processus de recrutement, il faut néanmoins le faire de manière pertinente.

  • Le tutoiement en entretien d’embauche doit être cohérent avec la culture d’entreprise, c’est-à-dire que tout le monde se tutoie en interne. Le candidat doit être à l’aise avec cette pratique dès son premier contact.
  • L’ensemble du processus de recrutement doit être marqué du tutoiement si vous tutoyez en entretien, depuis l’offre d’emploi jusqu’aux courriers de convocation à l’entretien. Sinon, vous risquez surtout de déstabiliser le candidat en lui donnant du “tu” à l’entretien alors que vous l’avez vouvoyé dans tous vos échanges préalables.
  • Lors de l’entretien, l’initiative du tutoiement doit revenir au recruteur, car c’est lui qui fixe les règles de l’échange. Ensuite, si le candidat préfère le vouvoiement, il faut respecter son choix (même si, dans certains cas, cela peut le desservir, notamment si le tutoiement est de rigueur en interne). Ne le tutoyez pas sans son accord et invitez-le à faire de même.
  • Évitez que le tutoiement sonne faux : il doit être naturel et surtout pas forcé.

Le tutoiement est majoritaire en entreprise, mais il n’est plus simplement lié à un “feeling” entre les personnes. Il existe des règles (souvent implicites) codifiant la manière dont les collaborateurs s’adressent la parole. Les frontières sociales, de genre et d’âge sont toujours présentes, mais elles tendent à disparaître. Il n’est donc pas étonnant que le tutoiement gagne aussi les entretiens de recrutement, si tant est que cette pratique reste cohérente avec le fonctionnement de l’entreprise.

 

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À propos de l'auteur

Thomas Goirand

Vélotafeur matin et soir, marketeur entre les deux, je suis passionné par le web et le développement. Vous me lirez sur les thèmes du Marketing RH, l'optimisation de site carrières et le parcours candidat, tant ces sujets se transposent depuis le marketing vers le recrutement.