Management

Syndrome d’Hubris et management : comment éviter les dérives ?

Narcissiques, autoritaires, dénués d’empathie, les chargés de management atteints par le syndrome d’Hubris plongent leurs collaborateurs dans une détresse profonde…

7 min

Narcissiques, autoritaires, dénués d’empathie, les chargés de management atteints par le syndrome d’Hubris plongent leurs collaborateurs dans une détresse profonde pouvant être lourde de conséquences. Comment l’entreprise peut-elle éviter ces dérives et lutter contre ce trouble de la personnalité qui empoisonne leurs managers ?

 

Hubris, une dangereuse démesure identifiée dès l’Antiquité

Longtemps avant le développement du management moderne, les Grecs anciens avaient déjà identifié ce trouble si répandu en entreprise. L’hubris, ce phénomène que l’on peut traduire par « démesure » valait, à l’époque, la colère des dieux. Et pour cause, il s’agit d’une ambition personnelle excessive, une soif de contrôle et d’absolutisme et une ivresse du pouvoir déclenchée par l’obtention d’un statut prestigieux.

 

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Ainsi, le célèbre Icare, fils de l’architecte Dédale et lui aussi atteint par l’hubris, mourut après s’être trop approché du soleil. Faire preuve de modération et rester à sa place étaient des vertus très prisées des Antiques. Malheureusement, tous les dirigeants ne possèdent pas ses nobles qualités, pour le plus grand malheur de leurs subordonnés.

 

Le pouvoir qui rend fou, ou comment le management devient tyrannique

Au XVIIIe siècle, Emmanuel Kant disait ainsi que « le pouvoir corrompt inévitablement le jugement libre et la Raison ». Si l’on peut nuancer cette affirmation, il est indéniable que l’accès au pouvoir peut transformer la personnalité de celles et ceux ayant des prédispositions au syndrome d’hubris. C’est ce que démontre David Owen, médecin et ancien ministre britannique des Affaires étrangères, dans son livre In Sickness and in Power, publié en 2008. L’auteur y recense 14 symptômes qu’il identifie comme autant de déformations de la personnalité dues au pouvoir. On y trouve :

  • une obsession de sa propre image pouvant conduire au narcissisme,
  • une confiance en soi excessive,
  • un sentiment d’impunité,
  • un hyper raisonnement probabiliste et statistique,
  • et surtout une réduction drastique de l’empathie.

Les managers atteints de ce trouble perdent ainsi le contact avec la réalité, deviennent impulsifs, méprisants, exploitant les autres comme de simples outils leur permettant d’atteindre leurs objectifs personnels. Ces comportements abusifs conduisent à la tyrannie, au harcèlement, à la création d’une culture toxique mettant à mal la coopération et l’intelligence collective. Les résultats ne se font jamais attendre : le turnover explose, les équipes se divisent entre ceux qui préfèrent jouer les courtisans auprès du dirigeant absolutiste, afin d’échapper à son courroux, et ceux qui subissent des situations intolérables, sans savoir comment réagir. Dans les pires cas, certains collaborateurs sombrent en dépression ou mettent fin à leurs jours.

 

Lutter efficacement contre le syndrome d’Hubris

Rétablir une culture d’entreprise saine et instaurer une politique RH saine impose de réagir au plus vite face au syndrome d’Hubris. La médecine moderne explique qu’il ne s’agit pas d’une maladie, mais d’un trouble de la personnalité ne pouvant être traité par une simple prescription médicamenteuse. En entreprise, c’est l’ensemble de la communauté RH qui se doit de prendre des mesures fortes pour mettre à mal ce fléau. Et comme il vaut mieux prévenir que guérir, ces actions doivent être prises dès la phase de recrutement.

Débusquer les personnalités toxiques avant l’onboarding

Il peut paraître difficile de détecter les collaborateurs pouvant sombrer dans ces travers. En effet, ces personnes savent se montrer particulièrement sociales pendant leur conquête du pouvoir et savent tromper leur monde. Pour éliminer au maximum les candidats au recrutement ayant des tendances dominatrices, il est important pour les recruteurs de partager leurs ressentis personnels après chaque entretien d’embauche concernant la personnalité du candidat. Un sentiment d’oppression, un malaise ou l’impression que le candidat a peu de considération pour ses futurs subordonnés sont autant de signaux d’alerte à ne surtout pas négliger.

Baser l’autorité seulement sur la compétence

Le management toxique est encouragé par la manière dont s’organise la gouvernance. La distribution du pouvoir doit être la moins centralisée possible, et balisée par des garde-fous. Opter pour un modèle davantage horizontal, nécessitant la coopération limite la concentration des pouvoirs dans les mains d’un nombre réduit de personnes et permet de lutter contre les dérives autoritaires. Les managers ne doivent pas avoir un sentiment de toute-puissance et d’impunité. Ils doivent se sentir dans une équipe qui n’est fonctionnelle que si chacun de ses membres peut s’y épanouir. Chaque manager doit avoir la conviction que l’autorité ne provient que de la compétence réelle, et non de la fonction.

Favoriser l’accès à l’apprentissage

Pour développer les compétences, l’entreprise doit instaurer un programme d’apprentissage, de mentorat et de formation permettant à chaque décideur de se remettre en question, s’affûter sa curiosité et de chercher à dépasser ses propres limites. Les managers atteints par le syndrome d’hubris font preuve d’un manque évident de curiosité et d’appétence pour les nouvelles connaissances. Débusquer ces managers et les détourner des dérives liées à l’ivresse du pouvoir passe, inévitablement, par une confrontation régulière à leurs lacunes et un accompagnement adéquat pour les combler.

Lutter contre l’entre-soi et l’uniformité

Les dérives autoritaires émergent plus facilement dès lors qu’une équipe est divisée entre une population dominante et une population minoritaire. La première a souvent tendance à oppresser la seconde et si elle est en plus dirigée par des personnalités narcissiques, les abus de pouvoir sont d’autant plus fréquents. Ainsi, bâtir des équipes de travail diversifiées, inclusives et à l’opposé de l’entre-soi et de l’homogénéité est une barrière supplémentaire contre le syndrome d’Hubris.

Libérer la parole

Les victimes de managers tyranniques souffrent également d’une impossibilité d’exprimer leur souffrance. Recluses dans une relation destructrice avec leur supérieur direct, elles s’enfoncent dans le silence jusqu’à ce qu’elles ne puissent plus supporter la situation. Pour identifier les dérives managériales, il est primordial d’effectuer régulièrement des sondages et des enquêtes concernant le bien-être au travail et les attentes des salariés en termes de management. Chaque collaborateur doit pouvoir s’exprimer dès lors qu’il est victime de méthodes toxiques et autoritaires.

 

Effrayant et impressionnant, le syndrome d’Hubris impose à l’entreprise une hyper vigilance constante. Traquer les managers aux tendances dominatrices et narcissiques oblige à élaborer des stratégies concrètes pour les identifier, les accompagner et les faire monter en compétences. Par ailleurs, une politique RH rigoureuse et crédible nécessite de protéger les collaborateurs de ces déviances et créant une culture d’entreprise où l’expression est facilitée et les compétences réelles plébiscitées.

 

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Crédit photo : Pixabay

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À propos de l'auteur

Dalale Belhout

Directrice au sein de la Fondation FACE (Fondation Agir Contre l'Exclusion), Dalale dirige le Club des entreprises socialement engagées de Seine-Saint-Denis et sensibilise acteurs privés et publics aux enjeux de recrutement inclusif et de diversité en entreprise. Ancienne Head of Content chez DigitalRecruiters, elle est aujourd'hui ambassadrice du Lab'DR, une communauté d'experts qui partage réflexions et bonnes pratiques sur le blog. Dalale est par ailleurs co-auteur de plusieurs ouvrages dédiés au digital appliqué aux RH, à la marque employeur et au recrutement responsable et éthique, sujets sur lesquels elle intervient régulièrement en tant que conférencière.