Les candidats à l’embauche ne s’y trompent pas : le télétravail recule en France. Alors qu’on le pensait définitivement entré dans la culture d’entreprise, force est de constater que les patrons sont de plus en plus frileux à l’idée d’autoriser le travail à distance. Comment expliquer ce revirement inattendu et cette tendance a-t-elle vraiment des chances de perdurer ?
Le télétravail, une utopie née durant le confinement
Fin 2022, seulement 6 % des offres d’emploi publiées sur LinkedIn en France mentionnaient le télétravail selon le Baromètre LinkedIn de l’emploi, 2021. Pourtant, en 2020, alors que la pandémie de Covid-19 imposait la mise en place d’un confinement généralisé, les employeurs ont brutalement dû instaurer le télétravail. Rendu obligatoire par les circonstances sanitaires pour un grand nombre de professions, le télétravail est entré soudainement dans les mœurs de beaucoup d’entreprises. Subi par beaucoup de salariés, le travail à distance a également séduit une grande part des actifs qui y ont vu une nouvelle façon de concilier vie professionnelle et vie personnelle.
S’affranchir des heures de transport, adapter ses horaires à ses activités personnelles, travailler dans un cadre familier et réconfortant, sont autant de vertus qu’un nombre croissant d’employés attribuent au télétravail. L’utopie d’un monde du travail complètement à distance a ainsi émergé dans l’esprit de beaucoup d’actifs, persuadés que la crise sanitaire allait marquer un tournant dans la culture d’entreprise.
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De fait, le nombre d’accords d’entreprises concernant le télétravail n’a cessé d’augmenter pendant la crise sanitaire. Sur LinkedIn, le nombre d’offres d’emploi permettant le télétravail a même explosé au printemps 2022. Mais voilà, alors que la société reprend peu à peu son rythme d’avant Covid, les employeurs sont de plus en plus réticents à se montrer flexibles face à des collaborateurs bien décidés à ne pas revenir au temps du 100 % en présentiel. Face au recul du télétravail en France, on assiste à un bras de fer entre salariés acquis au full remote et patrons adeptes de réunions au bureau.
Le recul du télétravail, un fait très marqué en France
En France, le nombre d’offres d’emploi permettant le télétravail ne cesse de dégringoler. Un recul du télétravail qui contraste drastiquement avec les années précédentes. En Espagne, ce ne sont pas moins de 18,4 % des offres d’emploi de LinkedIn qui permettent de travailler à distance. En Allemagne, leur pourcentage s’élève à 9,4 %. Le télétravail, qui semblait pourtant être un véritable acquis, serait ainsi plus que jamais incertain en France.
À l’image des grandes entreprises américaines comme JP Morgan ou Tesla, dont les patrons n’hésitent pas à fustiger ce qu’ils estiment être un véritable danger pour la productivité et la culture d’entreprise, de nombreux employeurs français se montrent réticents à accorder des jours de télétravail. Les entreprises n’ayant pas signé d’accord ou de charte de télétravail n’hésitent pas à serrer la vis. Les managers décident au cas par cas du nombre de jours en distanciel accordé à chaque employé. Beaucoup refusent systématiquement, et ce dès l’embauche, le principe même du travail à distance.
Le recul du télétravail s’explique par une crainte des managers de ne pas diriger correctement leurs équipes à distance et la peur de voir la productivité baissée et la cohésion de groupe se fragmenter. Très souvent, le travail en distanciel est associé à une chute de la performance collective et individuelle qui ne pourrait qu’être renforcée par la fréquentation quotidienne de ses collègues sur son lieu de travail. Une vision déconnectée des réalités actuelles, d’après de nombreux salariés qui demandent plus de souplesse à leurs supérieurs.
Le travail hybride, un idéal à atteindre
82 % des salariés qui y sont éligibles souhaitent adopter le travail hybride, selon le Baromètre Télétravail et Organisations hybrides, 2022. Les recruteurs le savent, le télétravail est un atout pour attirer les talents. Dans ce contexte, le recul du télétravail peut-il seulement perdurer ? Il paraît difficile de vouloir faire barrage à un mouvement de société si profond et si massif. À mi-chemin entre le télétravail intensif et le présentiel à temps plein, le travail hybride pourrait être une solution satisfaisante pour chacune des deux parties.
Toujours selon le Baromètre Télétravail et Organisations hybrides, 84 % des employeurs sont favorables au déploiement de cette forme de travail au sein de leurs effectifs. Pour ces patrons, le travail hybride répond à une demande sociale et est l’occasion d’attirer et de fidéliser les talents, ainsi que de renouveler les méthodes de management. La période post-Covid serait-elle ainsi l’occasion d’atteindre un point d’équilibre et de réformer en profondeur le monde du travail en France ?
Les politiques RH et l’opportunité du travail hybride
L’organisation du travail, et la possibilité d’instaurer un mode hybride, diffèrent selon les politiques RH des entreprises. Cette volonté de plus de souplesse en entreprise est l’occasion pour les employeurs de prouver à leurs collaborateurs la confiance qu’ils placent en eux et de les accompagner sur le chemin de l’autonomie. Alors que le phénomène du quiet quitting ne cesse d’ébranler les entreprises, celles-ci ont une occasion idéale de contrer cette tendance en affirmant leur volonté de réinventer une culture du travail plus souple et plus au fait des aspirations profondes de leurs salariés.
De la crise sanitaire à la crise économique, les enjeux du télétravail
Les modes de travail sont soumis aux aléas sanitaires et économiques. Alors que la page se tourne lentement sur la crise du Covid-19, un nouveau chapitre s’ouvre sur une crise économique qui plonge le marché de l’emploi dans l’incertitude. Si durant la période 2020-2021, le gouvernement avait imposé le télétravail à toutes les entreprises qui le pouvaient, et sanctionné lourdement les patrons récalcitrants, la crise énergétique pourrait l’inciter à prendre des mesures semblables.
Les questions de coûts énergétiques sont au cœur des préoccupations du gouvernement. Dans son plan de sobriété énergétique, présenté le 6 octobre 2022, l’exécutif a souligné l’importance du télétravail pour les agents du service public. En leur demandant de travailler à distance le plus possible, le gouvernement espère réduire la consommation de carburant et le coût du chauffage. L’importance cruciale pour les entreprises publiques et privées de limiter leur empreinte carbone et d’adopter des modes de fonctionnement plus économiques et écologiques pourrait bien mettre un coup d’arrêt au recul du télétravail.
Les nouveaux défis auxquels sont confrontés le marché du travail et la société dans son ensemble, pourraient bien conduire à une évolution du Code du travail en vue de favoriser le travail hybride. Il est probable que le recul actuel du télétravail, s’il s’explique par les craintes des patrons et managers au sujet de la productivité de leurs collaborateurs, se heurte à une demande sociale sans précédent et des enjeux économiques et environnementaux d’une importance telle qu’une révision des modes de travail ne devienne inévitable.
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