Tendances RH

Quiet quitting ou démission silencieuse : une tendance à surveiller ?

Depuis plusieurs semaines, le terme « quiet quitting », ou « démission silencieuse » en français, s’impose dans les médias…

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Depuis plusieurs semaines, le terme « quiet quitting », ou « démission silencieuse » en français, s’impose dans les médias pour qualifier une nouvelle évolution du monde du travail post-pandémique. Entre épiphénomène nourri par les réseaux sociaux et mal plus profond aux racines complexes et entremêlées, retour sur une tendance qui ne passe pas inaperçue dans le monde professionnel et qui peut légitimement inquiéter managers et directions RH.

 

Qu’est-ce que la tendance du « quiet quitting » ?

Le terme de démission silencieuse peut prêter à confusion, car les salariés qui se revendiquent de ce mouvement, ou qui l’appliquent parfois inconsciemment, ne démissionnent pas réellement. Le quiet quitting est en réalité un renoncement à la culture de la performance absolue, à l’idée de se surpasser au travail, et au fait de travailler toujours plus, sans compter ses heures, quitte à faire passer le travail avant tout autre chose.

L’expression quiet quitting provient d’un utilisateur de TikTok qui a publié un message sur le réseau social durant l’été 2022 qui a été vu plus de 3 millions de fois. Il n’en fallait pas plus pour créer une gigantesque caisse de résonance, en particulier auprès des jeunes générations, dont l’influence est croissante pour réécrire les règles du monde de travail.

 

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Si cette tendance est intéressante, c’est qu’elle arrive dans le sillage de la « Grande Démission », autre changement majeur d’un point de vue RH aux États-Unis, qui a vu en moyenne près de 4 millions de salariés quitter leur emploi chaque mois en 2021, dans un contexte de tensions sur la flexibilité du travail et de réévaluation générale de la place du travail dans leur vie. Ce phénomène s’amplifie à un moment où la tension entre employeurs et employés est à son comble, entre inflation galopante, pénurie de personnel, et réorganisation post-pandémique.

 

L’implication au travail : une notion révolue ?

Le principe du quiet quitting consiste donc à dissocier son statut de salarié de celui d’individu afin de retrouver une forme de contrôle sur sa vie et investir son temps et son énergie ailleurs qu’au travail. Cette démarche fait écho à la dernière étude du cabinet Gallup qui soulignait que seuls 6% des salariés français sont pleinement engagés dans les entreprises. Cela veut dire que 94% des salariés ne sont pas ou peu engagés. Et parmi les salariés désengagés, 25% le sont complètement.

En clair, non seulement ils n’apportent plus de valeur, mais ils peuvent en plus dénigrer ou saboter l’entreprise dans laquelle ils travaillent. Sans compter que plus la courbe de l’engagement chute, plus celle du burn-out augmente, car les autres doivent bien compenser.

Résultat : les risques psychosociaux sont omniprésents et les salariés malheureux.

Le quiet quitting est donc très proche des indicateurs classiques d’une baisse de motivation et d’un faible engagement des salariés. Il peut s’agir d’une baisse de productivité ou d’un retrait de l’équipe, limitant la communication et l’interaction à ce qui est uniquement nécessaire et obligatoire. Cela peut aussi se retrouver dans une forme d’apathie, ou par le fait de rester silencieux plutôt que de partager ses idées. Ce débat sur la démission silencieuse soulève également d’importantes questions quant à savoir qui effectue réellement une grande partie de ce travail non rémunéré.

D’après l’ouvrage « The No Club: Putting a Stop to Women’s Dead-End Work », les femmes sont, de manière disproportionnée, appelées à faire le travail que personne d’autre ne veut faire, comme organiser les activités sociales au bureau, s’occuper des clients qui prennent beaucoup de temps, noter les anniversaires des employés, etc. À travers le quiet quitting, c’est aussi l’expression d’une forme de rejet des discriminations qui s’impose.

 

Comment les employeurs peuvent-ils faire face à ce phénomène ?

Si le quiet quitting ne touche pas tout le monde et toutes les entreprises de la même manière, il doit alerter les entreprises sur leur manière de gérer ce sujet, car il impacte aussi bien la marque employeur, et la gestion des carrières que la culture de l’entreprise. La première chose à faire est d’être en mesure d’identifier les quiet quitters qui ne sont pas toujours dans une démarche militante et assumée.

C’est notamment le cas de l’isolement des télétravailleurs pour lesquels l’entreprise ne donne pas les moyens de bien travailler à distance. C’est aussi le cas des managers qui ne répondent pas, qui ne prennent pas le temps d’interagir, ou qui contactent uniquement leurs équipes en cas de problème. En plus de guérir, il faut pouvoir prévenir.

En télétravail, les salariés ont tendance à élargir leur plage de disponibilité. L’ordinateur est allumé de 8 heures à 20 heures et à la moindre notification, ils s’y précipitent pour répondre. À terme, cette démarche est bien évidemment problématique pour la santé mentale des travailleurs.

Pour éviter le quiet quitting, la recette est simple en apparence : de bonnes conditions de travail, des possibilités de formation et d’évolution, une culture d’entreprise saine, une excellente communication, pas de messages envoyés en dehors des heures de travail et un respect du temps de travail de chacun. Les entreprises doivent aussi régulièrement sonder leur personnel, en allant au-delà des KPI de productivité et de performance. Il faut lire entre les lignes et rechercher des commentaires qui aident à bien définir le niveau d’implication des équipes.

Les entretiens d’offboarding sont tout aussi stratégiques pour définir ce qui motive les employés et ce qui les pousse à partir. Enfin, il faut aussi prendre en compte les aspirations personnelles, et l’influence des jeunes générations qui façonnent l’entreprise de demain. Que veulent-ils ? Qu’aiment-ils faire ? Quelle est leur relation au travail ? Autant de questions qui doivent faciliter le dialogue pour créer un climat propice aux échanges francs et honnêtes.

Le quiet quitting est donc peut-être plus une évolution naturelle du monde du travail qu’une réelle rupture. Les salariés demandent simplement à leurs employeurs de respecter la valeur qu’ils fournissent selon les ressources et le temps qu’ils ont à leur disposition.

 

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Crédit photo : pexels.com

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Il y a 2 commentaires
  • J’ai commencé à pratiquer ça il y a fort longtemps ; dès l’instant où je constatais me faire avoir, j’en venais là. Le quit-quitting n’est pas « une quete de sens » ou un refus de la compétition ou de la chasse à la performance. C’est un « rappel à la loi », un retour au strict respect du contrat de travail. Cet aspect précis n’est pas évoqué et c’est bien dommage. Car ce qui règne en premier dans le monde du travail, c’est le fait que les salariés fournissent toujours plus que ce qui est écrit (temps, durée, qualité, etc..) dans le contrat de travail, évidemment sans la contrepartie en salaire.

    Par Lonewolf
  • Le quiet quitting n’est en effet pas une démarche choisie au départ, c’est une démarche initiée par l’employé à défaut d’une solution existante offerte par l’employeur. Si le quiet quitting est une solution ‘à défaut’ cela ouvre la porte à l’entreprise pour en créer une qui prenne en compte les victimes d’un épuisement professionnel qui ne se sentent plus engagés souvent par manque de considération. Quelles sont/seraient les stratégies mises/à mettre en place par l’employeur pour garantir l’équilibre pro/perso et pour accompagner ‘avec considération’ un retour au travail après une longue maladie (un épuisement). Les solutions existent pour retrouver la motivation dans son job sans s’épuiser;-)

    Par Isabelle

À propos de l'auteur

Dalale Belhout

Directrice au sein de la Fondation FACE (Fondation Agir Contre l'Exclusion), Dalale dirige le Club des entreprises socialement engagées de Seine-Saint-Denis et sensibilise acteurs privés et publics aux enjeux de recrutement inclusif et de diversité en entreprise. Ancienne Head of Content chez DigitalRecruiters, elle est aujourd'hui ambassadrice du Lab'DR, une communauté d'experts qui partage réflexions et bonnes pratiques sur le blog. Dalale est par ailleurs co-auteur de plusieurs ouvrages dédiés au digital appliqué aux RH, à la marque employeur et au recrutement responsable et éthique, sujets sur lesquels elle intervient régulièrement en tant que conférencière.