Une récente étude démontre que les candidats à l’embauche ont facilement tendance à l’auto-censure, même quand le poste proposé leur correspond. Comment expliquer cette tendance qui écarte de l’emploi des actifs compétents et expérimentés ? Décryptage d’un phénomène qui en dit long sur le processus de recrutement.
La perception du processus de sélection est déterminante pour les candidats
Alors que le poste proposé correspondait à leur compétence et offrait une rémunération et des conditions de travail attrayantes, seuls 46 % des candidats ont choisi de postuler. C’est le résultat aussi surprenant qu’éloquent de l’étude menée par l’EM Normandie Business School début 2023. Pourtant, les 165 comptables généralistes en recherche d’emploi sélectionnés pour cette enquête se sont vus proposer de vraies offres d’emploi répondant à leurs attentes en termes de rémunération et de carrière.
81 % des personnes interrogées à renoncer à envoyer leur candidature
Pour comprendre ce taux très bas de candidats, il faut décrypter les critères retenus pour juger de l’intérêt d’une annonce. On découvre ainsi que la première cause de décision est l’estimation des chances de succès. La perception du processus de recrutement a ainsi incité 81 % des personnes interrogées à renoncer à envoyer leur candidature. Bien loin derrière, on trouve l’affinité avec le poste, responsable du renoncement de 7,6 % des candidats, puis l’affinité avec l’entreprise, premier critère dans la décision de 11 % d’entre eux à ne pas tenter leur chance.
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Les profils atypiques, plus enclins à l’auto-censure
Les profils atypiques, marqués par des périodes de chômage, des emplois précaires ou encore un chemin de carrière inhabituel et un parcours académique hors norme, sont davantage enclins à s’auto-censurer. Ces personnes, souvent en situation de fragilité, préfèrent s’épargner l’investissement en temps et en énergie que représente un acte de candidature sérieux si elles ne sont pas certaines d’avoir de grandes chances d’être retenues.
Persuadées que les recruteurs sont plutôt attirés par les belles carrières que par les compétences multiples et l’adaptabilité, les candidats atypiques se dévalorisent eux-mêmes et préfèrent éviter les émotions négatives engendrées par un refus. À l’impact psychologique que représenterait un rejet de la part du recruteur, ces candidats préfèrent alors éviter le risque, quitte à passer devant le poste et l’entreprise répondant le mieux à leurs attentes.
En ne saisissant pas leurs chances et en pratiquant une auto-censure très fréquente, ces candidats alimentent, sans le vouloir, le cercle négatif dans lequel ils se trouvent et privent les entreprises de leurs talents et de la richesse de leur profil.
L’exigence décuplée des candidats aux carrières idéales
L’auto-censure si couramment associée aux profils non linéaires n’est pas étrangère à ceux qui présentent des carrières stables et au parcours universitaire prestigieux. À la différence majeure que pour eux, ce n’est pas un manque d’estime de soi qui explique ce renoncement à candidater. C’est exactement l’inverse : conscients de leur valeur et de l’attractivité de leur profil, ils se permettent des exigences que n’ont pas tous les autres demandeurs d’emploi. L’affinité avec l’entreprise et les perspectives d’évolution motivent ainsi principalement leur décision, ou non, de postuler.
Malheureusement, dans ce cas également, c’est bien la perception du processus de recrutement qui explique la pratique de l’auto-censure de ces candidats. Puisqu’ils estiment que les recruteurs sont plus sensibles à un beau CV qu’aux compétences réelles des postulants, ils effectuent une sélection d’offres d’emploi pouvant les desservir.
En s’attardant davantage sur l’identité de l’entreprise et les chemins de carrière qu’elle propose, ils négligent leur réelle aptitude au poste et leur possibilité de s’y épanouir. Là encore, ces candidats peuvent faire l’impasse sur des fonctions qui leur correspondent réellement.
La nécessaire ouverture aux profils “hors norme” pour lutter contre l’auto-censure
Ce niveau très élevé d’auto-censure est révélateur d’un élément fondamental : le processus de recrutement est jugé assez négativement par les candidats à l’embauche, qui présument des préférences des recruteurs. Dans tous les cas, les personnes en recherche d’emploi pensent que seuls l’esthétique de la carrière et le prestige de la formation ont une réelle importance aux yeux des personnes en charge du recrutement. Il en résulte une sélection drastique des offres d’emploi.
Finalement, ce sont les candidats à la carrière moyenne, ponctuée de courtes périodes de chômage, sans être particulièrement atypique, qui ont le moins peur de tenter leur chance. Les profils hors norme, eux, s’excluent massivement de l’emploi par peur de l’échec. Pourtant, leur parcours inhabituel les a enrichis de nombreuses compétences dont manquent souvent les actifs aux belles carrières. Leur adaptabilité et leur capacité à rebondir et à persévérer en font des collaborateurs productifs, très souvent force de propositions et d’ouverture.
À une époque où le monde du travail connaît de nombreuses transformations et où de nombreux secteurs peinent à trouver de nouveaux salariés, les recruteurs doivent impérativement revoir leur méthode de recrutement et s’ouvrir à ces profils atypiques. En élaborant des offres d’emploi qui mettent davantage l’accent sur les compétences techniques et les qualités relationnelles, l’entreprise pourrait ainsi s’ouvrir à ces actifs qui restent à l’écart de l’emploi.
Le diplôme, un symbole devenu un fardeau pour les candidats et les recruteurs
Héritage historique des titres de noblesse, les diplômes et autres certifications restent un atout de choix pour les candidats à l’emploi. Très prisé par les recruteurs qui se sentent rassurés par des parcours académiques rayonnants, il ne permet pourtant pas de préjuger de la valeur d’un candidat. En effet, l’obtention d’un titre universitaire élevé ne garantit pas des compétences d’une personne une fois sur le terrain. Nombre de salariés talentueux ont acquis leur connaissance du métier et leur aptitude à travailler efficacement dans le feu de l’action, au travers d’une expérience riche et diversifiée.
Incomparable sésame pour les uns, le diplôme est aussi un frein aux profils réellement compétents, mais qui ne peuvent s’enorgueillir d’une formation longue dans les meilleures écoles ou universités. Pour attirer les meilleurs talents et former des équipes de collaborateurs foncièrement compétentes et opérationnelles, les recruteurs doivent apprendre à s’affranchir de cet amour pour les diplômes et fonder leur méthode de recrutement sur la chasse aux compétences, soft skills et hard skills confondus.
Loin d’être le résultat d’un raisonnement rationnel, la décision de candidater à un poste est motivée par les chances de réussite ou les perspectives d’évolution, elles-mêmes issues de la valeur que pensent avoir les candidats. Conséquence directe des failles perçues dans le processus de recrutement, l’auto-censure des candidats invite les recruteurs à revoir leur manière de trouver et de convaincre les talents dont l’entreprise a le plus besoin, et ce, dès la rédaction de l’offre d’emploi.
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