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Pourquoi les entreprises doivent-elles recruter des multipotentiels ?

On parle de multipotentiel pour désigner une personne animée par une grande curiosité. Elle s’intéresse à de nombreux sujets, parfois…

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« Nous sommes au regret de vous annoncer que votre candidature n’a pas été retenue. Le motif : vous n’avez pas assez d’expérience dans le poste ». Voilà le type de retour qui rythme le quotidien des candidats au profil multipotentiel.

C’est de notoriété publique : les entreprises françaises sont attachées au parcours linéaire. Plus le candidat est spécialisé et acquiert de l’expérience dans une fonction et dans un secteur d’activité, plus il sera désirable sur le marché du travail.

Les autres, ceux avec un parcours qui n’entre dans aucune case et qui préfèrent varier les expériences, sont les cancres. Les instables. Les « paumés » du monde du travail. Parfois assumés, parfois cachés, ces profils sont bien plus nombreux qu’il n’y paraît.

Quand ils s’assument, on les reconnait par leur changement répété d’emploi voire de métier. Ils ont un parcours jonché d’expériences variées qui font d’eux des profils généralistes parce qu’ayant de multiples compétences sans pour autant avoir une spécialisation ou expertise qui sort du lot.

Dans le monde du travail, on les appelle les multipotentiels.  

Ce portrait peu flatteur reflète malheureusement l’image qu’ont les recruteurs et RH de ces profils que j’aime appeler les caméléons du monde du travail.

Est-ce-là une vérité ? Les multipotentiels ont-ils peu de valeur à apporter aux entreprises ? Sont-ils des instables sur qui l’on ne peut compter ?

Bien sûr que non. C’est même tout le contraire. Les entreprises ont tout intérêt à diversifier leur recrutement en intégrant des profils multipotentiels dans leurs effectifs. Pour quelles raisons ? Voyons ça de plus près.

Qu’est-ce qu’un profil multipotentiel ?

On parle de multipotentiel pour désigner une personne animée par une grande curiosité. Elle s’intéresse à de nombreux sujets, parfois éloignés les uns des autres. Sa curiosité l’amène à enrichir ses connaissances et à explorer différents domaines et donc à changer d’emplois. Dans le cadre du travail, un profil multipotentiel aime toucher à tout.

C’est un collaborateur qui s’ennuie vite sur des postes d’exécution caractérisés par des tâches répétitives. Au quotidien, il se pose régulièrement des questions commençant par « pourquoi ». Pourquoi fait-on ceci ? Pourquoi ce process existe-t-il ?

Son mode de fonctionnement lui permet d’avoir une palette de compétences variées et généralistes, constituées pour beaucoup de compétences transférables et de soft skills (compétences douces).

La carrière linéaire va devenir l’exception et la carrière multipotentielle la norme

Vous auriez vécu à l’époque de la Renaissance, les multipotentiels comme Léonard de Vinci étaient des modèles de réussite. On valorisait les curieux, ceux qui passaient leur temps à nourrir leurs savoirs. On accordait du crédit à ces penseurs visionnaires à l’imagination débordante et aux idées innovantes.

Malheureusement, à notre époque c’est tout autre chose. On juge les multipotentiels comme des instables incapables de rester dans un emploi. Cette étiquette qui leur colle à la peau est le résultat de plus de 50 années à façonner et à ériger en norme un modèle de réussite professionnelle basé sur la spécialisation.

Si à ces débuts ce modèle de carrière linéaire se justifiait, voilà une décennie (au minimum) qu’il devient obsolète. Avec le progrès technique, technologique, l’arrivée du numérique, de l’automatisation des tâches, les métiers et emplois se sont transformés. Certains ont disparu, d’autres sont apparus (l’étude de Dell de 2018 sur le futur du travail explique qu’environ 80% des emplois de 2030 n’existent pas encore). La transversalité est aussi devenue monnaie courante dans les fonctions supports des entreprises.

Dès lors, recruter sur le critère « X années d’expérience dans le même poste et dans le même secteur d’activité » ne fonctionnera bientôt plus.

Ajoutez à cela le fait que le rapport au travail a changé. Les actifs de la génération Y et Z n’envisagent plus le travail comme une relation de subordination. Ils veulent contribuer à quelque chose de plus grand, être reconnus, respectés, stimulés et entendus. Et si ça doit passer par un changement d’entreprise ou de voie, qu’à cela ne tienne ! En somme, la carrière multipotentielle n’est plus seulement une préférence personnelle. C’est devenu un phénomène socio professionnel porté par une génération d’actifs en quête de sens.

Aussi, le nombre de reconversions professionnelles explose et ce n’est pas près de s’arrêter. Ce qui veut dire que la proportion d’actifs à avoir changé au moins une fois de métier sera de plus en plus grande. Refuser une candidature au motif que le candidat a bifurqué de trajectoire ne sera plus possible. Vous risquez vite de vous retrouver en pénurie de candidats.

Enfin, pourquoi devrait-il y avoir une seule façon de construire une carrière réussie ? Un seul modèle ? Après tout, nous changeons bien de ville, de logement, de conjoint, de loisirs dans notre vie privée. Pourquoi devrions-nous nous enfermer dans une case dans la vie professionnelle ?

Pour un multipotentiel, s’enfermer dans une case n’a pas de sens. C’est un profil doté d’une grande curiosité et d’une soif d’apprendre. Une vocation ? Il n’en a pas. Mieux, ça ne l’intéresse pas. Il aime pouvoir explorer différents sujets, découvrir de nouveaux horizons. Il s’enrichit de ses savoirs, de ses expériences et de ses rencontres.

Cette attitude naturelle d’explorateur lui confère de précieux atouts en entreprise : des soft skills.

Avoir un profil multipotentiel ne veut pas dire être incompétent

On parle de compétence lorsque l’on sait mobiliser un savoir, un savoir-faire, un savoir-être pour réaliser une activité, atteindre un objectif. On se place donc dans un contexte donné pour juger de la compétence d’une personne. Et dans la réalité, la compétence ne se limite pas à la technicité. Elle englobe un tout qui se compose pour beaucoup de savoir-être, les soft skills.

Ce que certains recruteurs ou RH ont tendance à oublier est que sans les soft skills, les compétences techniques ne valent rien. En effet, les compétences techniques sont le « quoi faire » et les soft skills le « comment faire ».

Prenons un exemple pour illustrer. Imaginons que je dispense des formations en développement informatique. Je maîtrise les techniques de codage. Mon rôle est de former mon équipe à un nouveau langage informatique. Si je ne sais pas écouter, adapter mon discours, être patient, pédagogue, mes compétences techniques ne me seront d’aucune utilité.

Les multipotentiels ont des soft skills très recherchées par les entreprises (dont notamment l’adaptabilité, la créativité, être force de proposition). En changeant d’emploi, d’entreprise, de secteur, ils s’adaptent à une organisation, des environnements de travail, des interlocuteurs, des process différents.

Aussi, en adoptant une posture naturelle d’apprenant, il développe une compétence très précieuse : l’apprentissage. Apprendre une nouvelle compétence, apprendre un nouveau métier ne leur fait pas seulement peur, mais aussi ils y sont à l’aise. Et le développement des compétences est un sujet RH clé en entreprise. En effet, si l’entreprise ne s’adapte pas aux nouvelles technologies, elle sera en retard vis-à-vis de ses concurrents. Si l’entreprise ne s’adapte pas à l’évolution des mentalités et des changements sociétaux, sa résistante la conduira à sa perte : sa main-d’œuvre se désinvestira, sa croissance chutera.

Peut-être assimilez-vous compétence et expérience. Dans cette logique, plus la personne a de l’expérience, plus elle est compétente. Si cela peut être vrai, l’inverse l’est aussi. Une personne peut être compétente avec peu d’années d’expérience dès lors que son niveau de savoir ou de savoir-faire est plus élevé que celui du public à qui elle propose ses compétences. Efficacité professionnelle et multipotentialité ne sont pas incompatibles. 

Aussi, cette idée reçue que seules l’expérience et la spécialisation confèrent la légitimité va bientôt être désuète. En effet, dans un article paru sur LegiSocial, on apprend qu’en 1987, la durée de vie moyenne d’une compétence technique était de 30 ans. Aujourd’hui, cette durée de vie a chuté. Elle est désormais de 12 à 18 mois selon l’OCDE (Organisation de Coopération et de Développement Économique). Et la célèbre étude de Dell de 2018 sur le futur du travail prévoit que “la capacité à acquérir un nouveau savoir vaudra plus que le savoir déjà appris”. Désormais, ce sont donc les soft skills qui valent de l’or !

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Les multipotentiels, des atouts précieux en entreprise pour faire face aux nouveaux enjeux

La crise sanitaire que nous vivons depuis un an nous rappelle que nous n’avons pas la maîtrise de tout. Et qu’il faut savoir s’adapter aux imprévus, aux événements. Nous sommes à un tournant où les entreprises doivent se saisir des questions environnementales, écologiques, sociétales et économiques.

Comment faire mieux ? Comment être plus responsable ? Comment produire plus intelligemment ? Comment attirer les talents et les garder motivés ? Comment rester productif ? Comment s’adapter au progrès ?

Ce sont des questions qui nécessitent de penser différemment, de prendre de la hauteur sur l’existant pour repenser ce qui doit l’être et parfois créer des modèles inexistants. De la production à l’organisation, en passant par la gestion des ressources humaines et la relation client, savoir penser en dehors des clous et être créatif, innovant est aujourd’hui nécessaire pour assurer la survie et la croissance d’une entreprise.

Les profils multipotentiels ont cette capacité créative et innovante. Grâce à leur curiosité, leurs diverses connaissances et expériences, ils arrivent à faire des ponts entre des idées, des compétences, des sujets que les profils spécialistes cantonnés à leur domaine d’expertise ont du mal à faire.

Pensez à eux quand vous devez transformer votre entreprise. Ils sont dans leur élément quand il faut se tourner vers l’avenir et être créatif.

Pensez à eux quand vous déployez un plan d’évolution de carrière et de développement des compétences. Ils aiment apprendre et ils apprennent vite. Vous pourriez bien être surpris de voir qu’un collaborateur multipotentiel restera dans l’entreprise aussi longtemps qu’il peut exprimer son côté touche-à-tout et sa curiosité.

En conclusion, la prochaine fois que vous tomberez sur un candidat multipotentiel, essayez de vous détacher de la croyance qu’il est instable ou incompétent. Dès lors qu’un multipotentiel trouve du sens dans votre entreprise et dans ses missions et qu’il est régulièrement stimulé, il sera un allié fidèle pour vous aider à transformer et à faire grandir votre entreprise ! 

Sonia Valente commence sa carrière en tant que juriste en droit du travail. Son envie de toucher à tout l’a ensuite conduite à explorer de nouveaux horizons : l’écriture, l’entrepreneuriat et le coaching en reconversion professionnelle.

Elle fonde Move on Up et s’intéresse à la place des profils multipotentiels dans le monde du travail et à comment construire une carrière généraliste. Elle a écrit le livre “Comment trouver sa place quand on ne rentre dans aucune case – Le guide des multipotentiels dans le monde du travail” aux éditions Eyrolles. Convaincue que la carrière généraliste et hétérogène va devenir la norme, Sonia sensibilise les acteurs du monde du travail sur ces sujets à travers l’écriture et accompagne les personnes désireuses de faire le point sur leur carrière, de changer de voie à trouver et choisir un nouveau projet professionnel en accord avec leur personnalité.

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À propos de l'auteur

Dalale Belhout

Directrice au sein de la Fondation FACE (Fondation Agir Contre l'Exclusion), Dalale dirige le Club des entreprises socialement engagées de Seine-Saint-Denis et sensibilise acteurs privés et publics aux enjeux de recrutement inclusif et de diversité en entreprise. Ancienne Head of Content chez DigitalRecruiters, elle est aujourd'hui ambassadrice du Lab'DR, une communauté d'experts qui partage réflexions et bonnes pratiques sur le blog. Dalale est par ailleurs co-auteur de plusieurs ouvrages dédiés au digital appliqué aux RH, à la marque employeur et au recrutement responsable et éthique, sujets sur lesquels elle intervient régulièrement en tant que conférencière.