Expérience collaborateur, Management

Entretien annuel individuel (EAI) : mode d’emploi

Bien qu’il ne soit pas obligatoire (à moins d’être prévu dans la convention collective), l’entretien annuel individuel est un formidable…

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Bien qu’il ne soit pas obligatoire (à moins d’être prévu dans la convention collective), l’entretien annuel individuel est un formidable outil de pilotage des activités RH. Il offre en effet un espace d’échange entre salarié et employeur qui permet de renforcer ou d’améliorer leur collaboration à court et moyen terme.

Pourtant, moins de 5% des entreprises interrogées profitent de l’entretien annuel individuel pour le développement de la carrière du collaborateur (Enquête RH : Entretiens annuels d’évaluation Lucca 2019). Découvrez comment tirer pleinement parti des entretiens annuels individuels et les bonnes pratiques à adopter pour que chacun y trouve son compte.

 

L’entretien annuel individuel : objectifs et cadre légal

“1 collaborateur sur 4 ne comprend pas le processus d’entretien annuel de sa société et 1 sur 6 ne le connaît même pas. (Enquête RH : Entretiens annuels d’évaluation – Lucca – 2019)”

Les objectifs de l’entretien annuel individuel

L’entretien annuel individuel est un outil d’évaluation du salarié. Il peut avoir lieu tous les six mois, une fois par an ou tous les deux ans. Il n’est pas obligatoire, sauf s’il est prévu dans la convention collective de la profession. C’est donc un outil de l’employeur pour évaluer ses salariés. En revanche, lorsqu’il est convoqué à un entretien annuel individuel, le salarié a l’obligation de se présenter à l’entretien.

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Les objectifs de l’entretien annuel sont multiples :

  • faire le point sur les résultats du salariés par rapport aux objectifs fixés ;
  • évaluer les compétences du salarié et ses besoins en formation ;
  • recenser les souhaits du salarié en ce qui concerne son évolution professionnelle ;
  • fixer les objectifs à atteindre pour l’année à venir.

L’entretien se formalise par le biais d’un compte-rendu et d’une appréciation écrite du responsable hiérarchique.

Le cadre légal : un dispositif très encadré

L’entretien est susceptible d’avoir des conséquences sur les conditions de travail des salariés. Il est parfois source de stress, puisque l’activité du salarié va être contrôlée et il devra rendre compte du travail effectué. C’est pourquoi il est très encadré par le Code du travail.

L’entretien annuel individuel selon le Code du travail

L’entretien annuel est strictement encadré par les articles L1222-1 à L1222-5 du Code du travail. L’employeur a notamment l’obligation d’informer le salarié sur les techniques d’évaluation professionnelles utilisées. Il doit aussi le prévenir de la date suffisamment à l’avance pour que le salarié puisse se préparer. Toutes les informations échangées pendant l’entretien doivent rester confidentielles, sauf celles qui ont besoin d’être remontées au service RH. Si le bilan de l’évaluation est informatisé, la base de données devra respecter le RGPD.

Le CHSCT et le CSE doivent en outre être consultés avant la mise en place des entretiens. De leur côté, les délégués du personnel disposent d’un droit d’alerte s’ils considèrent que les procédures d’évaluation portent atteinte aux libertés individuelles. Par exemple, l’employeur ne peut aborder des sujets relatifs à la vie personnelle du salarié.

L’importance de la préparation de l’entretien annuel

L’entretien annuel individuel est un outil aussi bien pour le manager que pour le salarié. C’est pourquoi il convient donc de s’assurer que chacun dispose de tous les éléments nécessaires à la réussite de l’entretien. Or, 18,4 % des sondés ne reçoivent jamais la grille d’évaluation avant l’entretien et la même proportion ne la reçoit qu’une semaine avant, ce qui est insuffisant pour se préparer (« Entretiens annuels d’évaluation » Lucca – 2019).

L’auto-évaluation a pourtant un but crucial, celui de lancer la discussion sur une base commune. En ayant suffisamment de temps pour s’auto-évaluer, le collaborateur peut réfléchir à l’année écoulée et à ses aspirations futures.

Seuls 40% des salariés reçoivent la grille d’évaluation dans un délai suffisant pour se préparer (1 à 4 mois). – Source : appvizer.fr

Cette nécessité de préparation s’applique également lorsque l’entretien s’effectue à distance.

« En tant que manager, vous devez absolument prévoir le rendez-vous d’entretien annuel d’évaluation suffisamment à l’avance et demander au collaborateur de le préparer. Même si l’entretien par visioconférence vous semble moins formel qu’un échange réalisé dans vos locaux, il n’en reste pas moins un entretien de motivation qui doit être préparé tout autant par le manager que par le collaborateur »Fabien Lucron, Expert en rémunération – Primeum

 

L’entretien individuel annuel : les étapes à ne pas négliger

“71% des entreprises abordent au moins trois grands sujets au cours de leurs entretiens annuels (Enquête RH : Entretiens annuels d’évaluation – Lucca – 2019)”

Faire participer manager et salariés à l’élaboration de la grille d’évaluation

L’entretien annuel individuel réunit le salarié et son manager direct. Il utilise une fiche ou grille d’évaluation qui sert de support à l’entretien. Il existe de nombreux modèles et trames pour réaliser cette fiche, mais l’idéal est d’associer à son élaboration les managers et mêmes les salariés. Ainsi, ils seront plus impliqués et sauront à quoi s’attendre lors des entretiens.

Bien préparer l’entretien en amont

Le manager et le salarié doivent préparer l’entretien avant la date, en s’appuyant sur les évaluations précédentes, mais aussi sur la fiche de poste du salarié et les formations suivies. Le manager fait le point sur les points forts et faibles du salarié, afin d’anticiper sur les axes d’amélioration à proposer et les objectifs à mettre en place.

De son côté, le salarié peut faire le bilan de ses missions et trouver des exemples illustrant ses réussites. Il peut pointer aussi les difficultés qu’il a rencontré dans son quotidien professionnel, que ce soit dans le cadre de ses missions, mais aussi sur le plan de la qualité de vie au travail.

Il est important de faire sentir aux salariés que l’entretien annuel individuel n’est pas qu’une formalité administrative, mais un lieu d’échange et d’expression. Il sera ainsi mieux vécu par les salariés qui le considèrent souvent comme un examen de contrôle.

Le déroulement de l’entretien

Trop souvent, l’entretien annuel individuel s’attarde sur le bilan de l’année écoulée. Or, si ce bilan est indispensable, il consiste en des faits sur lesquels ni le manager ni le salarié n’ont plus prise. Il est donc préférable de passer plus de temps sur les améliorations à mettre en place et au développement de la carrière. Cette projection dans l’avenir est plus motivante sur le salarié.

« Différentes phases clés doivent se succéder pour garantir la réussite de cet échange : une phase d’écoute, où chacun a la possibilité de donner son avis et de l’argumenter, une phase d’évaluation au sens réel du terme dédiée à l’analyse objective des réalisations du collaborateur et enfin une troisième et dernière phase, dite de projection, au cours de laquelle les pistes de progression pour l’année à venir sont évoquées » détaille Fabien Lucron, expert en rémunération variable dans un article Primeum.

Dans un premier temps, le manager doit rassurer le salarié sur l’objectif de l’entretien en lui faisant comprendre qu’il est libre de partager son point de vue sans craindre d’être réprimandé. L’entretien n’est pas non plus un règlement de comptes : il s’agit d’être constructif pour faire évoluer au mieux le salarié dans son contexte et en tenant compte de ses compétences. N’oubliez pas que l’entretien est une discussion et non un monologue du manager (ou du salarié !).

 

10 questions et thèmes à aborder en entretien annuel individuel

Même si la grille d’évaluation peut guider le déroulement de l’EAI, il est préférable de ne pas (seulement) s’appuyer dessus pour mener l’entretien. Sinon, la discussion risque de se transformer en un remplissage de formulaire.

Voici 10 idées de thématiques et de questions à aborder pour guider la discussion.

  1. Comment vous sentez-vous dans l’entreprise ? Cette question permet de mesurer l’engagement du salarié et sa perception de la vision de l’entreprise.
  2. Comment vous sentez-vous dans votre poste ? Ici, on passe sur un plan plus précis, afin de savoir si le salarié apprécie ses missions ou s’il a envie de changer.
  3. Comment vous-sentez-vous dans l’équipe ? Le salarié peut être content de son poste, mais ne pas se sentir intégré dans l’équipe ou mal vivre certaines relations professionnelles. Cette question permet de détecter un mal-être au travail.
  4. Que pensez-vous de votre année ? Quel bilan en tirez-vous ? Cela permet au salarié de faire son propre bilan, que le manager pourra ensuite comparer au sien.
  5. Quelles ont été vos difficultés, vos réussites ? Ici, le manager incite à l’autoévaluation du collaborateur. Il pourra rebondir dessus au moment de son propre bilan.

Pourquoi ne surtout pas aborder la rémunération en entretien annuel ?

L’entretien annuel individuel sert à faire le point sur les réalisations du salarié et l’atteinte de ses objectifs, puis à en fixer de nouveau. Ce n’est pas le lieu pour parler du salaire, car cela pourrait influencer de manière négative l’entretien. Le salarié peut par exemple éviter de parler de ses échecs pour ne pas se voir refuser une augmentation. Or, l’objectif est aussi de mettre en place des stratégies pour éviter que les échecs ne se renouvellent.

De plus, bien souvent, le manager direct n’est pas décisionnaire en matière de rémunération : il ne pourra donc au mieux que prendre note des souhaits du salarié, mais sans pouvoir lui garantir une augmentation par exemple. C’est pourquoi il est préférable d’aborder la rémunération dans un autre entretien spécialement dédié.

  1. Quelles sont les tâches dans lesquelles vous vous sentez le plus à l’aise ? Et le moins ? Cette question est déjà une façon d’envisager l’évolution du collaborateur : souhaite-t-il conserver ses missions, en avoir d’autres, se former ?
  2. Quels sont tes objectifs pour l’année prochaine ? Au lieu de fixer les objectifs de manière unilatérale, le manager peut impliquer le salarié dans la définition de ses propres objectifs, ce qui améliore son engagement et souvent sa motivation.
  3. Sur quels projets aimeriez-vous travailler ? Le manager ouvre la porte à confier d’autres tâches au salarié et pourra aborder les formations à envisager.
  4. Quels sont vos souhaits d’évolution à long terme ? Ici, on est clairement dans le plan de carrière et les perspectives de changement de poste ou de fonctions.
  5. Avez-vous des attentes particulières concernant votre manager ? Cette question est moins anodine qu’il n’y paraît et invite le collaborateur à évaluer à son tour son responsable hiérarchique. Cela montre que l’évaluation fonctionne dans les deux sens, mais cela doit rester constructif.

 

Qu’est ce qui se passe après l’entretien annuel individuel ?

Les échanges avec les salariés sont précieux pour avancer dans une même direction. Il faut donc prendre le temps d’aller au bout du processus. À l’issue de l’entretien, le manager réalise un compte-rendu qu’il communique au salarié. Celui-ci n’est pas obligé de le signer, mais la grille d’évaluation est dans tous les cas renvoyée au service RH.

Pourtant, 55% des responsables RH interrogés par Lucca en 2019 (enquête Entretiens annuels d’évaluation) ne récupèrent jamais la totalité des grilles d’entretien, alors que ce sont souvent les plus urgentes à traiter. En effet, elles peuvent révéler un point de friction entre salarié et manager ou un désengagement du salarié.

Il est également impératif que les actions évoquées en entretien soient suivies d’effet. Sinon, le salarié doutera de l’utilité de l’entretien et ne s’y investira plus. Les managers doivent donc être sensibilisés à l’importance de respecter leurs engagements. La fin de l’entretien doit s’accompagner d’une feuille de route claire et partagée par l’ensemble de l’équipe. Chacun doit ensuite s’y investir pleinement.

Les actions mentionnées dans l'EAI doivent être suivies d'effet pour prouver l'importance de l'entretien annuel individuel aux collaborateurs.
Les actions mentionnées dans l’EAI doivent être suivies d’effet pour prouver l’importance de l’entretien annuel individuel aux collaborateurs.

 

Une pratique nécessaire à l’évolution de son collaborateur

Le rôle du manager est d’évaluer le salarié, mais aussi de lui permettre d’évoluer dans son quotidien professionnel. Il doit être capable de mesurer son potentiel et lui permettre d’avoir de nouvelles missions ou d’acquérir de nouvelles compétences.

Évaluer ses besoins en formation

L’EAI est le moment idéal pour faire le point sur les besoins en formation du salarié. Il pourra en demander de sa propre initiative, mais il appartient aussi au manager de proposer des formations afin que le salarié s’améliore sur certains points. Ces formations doivent être en accord avec les objectifs fixés et les missions du collaborateur.

Mettre en place un Plan de développement des compétences

Le plan de développement des compétences recense les actions de formations en situation de travail. Elles sont alors comprises comme étant du temps de travail à part entière. Le salarié visé par une formation ne peut refuser de la suivre, au risque de commettre une faute professionnelle. S’il souhaite suivre une formation inscrite dans le plan, l’employeur peut l’accorder ou non.

 

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Crédit photo : pexels.com

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À propos de l'auteur

Dalale Belhout

Directrice au sein de la Fondation FACE (Fondation Agir Contre l'Exclusion), Dalale dirige le Club des entreprises socialement engagées de Seine-Saint-Denis et sensibilise acteurs privés et publics aux enjeux de recrutement inclusif et de diversité en entreprise. Ancienne Head of Content chez DigitalRecruiters, elle est aujourd'hui ambassadrice du Lab'DR, une communauté d'experts qui partage réflexions et bonnes pratiques sur le blog. Dalale est par ailleurs co-auteur de plusieurs ouvrages dédiés au digital appliqué aux RH, à la marque employeur et au recrutement responsable et éthique, sujets sur lesquels elle intervient régulièrement en tant que conférencière.