Expérience collaborateur

Supprimer la période d’essai : et si ça marchait ?

Véritable filet de sécurité pour les employeurs et les salariés nouvellement recrutés, la période d’essai n’est pas une obligation légale.…

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Véritable filet de sécurité pour les employeurs et les salariés nouvellement recrutés, la période d’essai n’est pas une obligation légale. C’est la raison pour laquelle de plus en plus d’entreprises décident de l’abolir afin d’améliorer leur technique de recrutement et de contrer le phénomène du turn-over. Supprimer la période d’essai, est-ce vraiment une bonne idée ? Éléments de réponse dans cet article.

Période d’essai, ce que dit la loi

La période d’essai correspond à un temps limité, faisant suite à une embauche, et permettant à l’employeur d’évaluer les compétences de son salarié. Cette phase de test permet également à l’employé de vérifier que les fonctions qui lui sont attribuées, ainsi que sa nouvelle entreprise lui conviennent. Contrairement à une idée reçue, en France, la période d’essai n’a pas de caractère obligatoire. Les entreprises sont donc libres de choisir d’instaurer cette période dans le contrat de travail ou dans la lettre d’engagement adressée par l’employeur.

 

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La durée de la période d’essai varie selon le contrat et le statut du salarié. Ainsi, les salariés en CDI ont une période d’essai de deux mois maximum, s’ils sont employés ou ouvriers, de trois mois maximum, s’ils sont agents de maîtrise ou techniciens, et de quatre mois maximum s’ils sont cadres. Les salariés en CDD de six mois maximum ont une période d’essai de deux semaines maximum, et ceux dont le CDD est supérieur à six mois ont une période d’essai d’un mois maximum. Pour les salariés en intérim pour un mois maximum, la période d’essai ne peut dépasser deux jours. Enfin, pour ceux dont le contrat d’intérim est de deux mois, la période d’essai est de trois jours maximum et de cinq jours si le contrat d’intérim est supérieur à deux mois.

La période d’essai peut être renouvelée par l’employeur une fois d’une durée égale à la durée initiale. L’employeur et le salarié sont libres de ne pas maintenir le contrat de travail à l’issue de la période d’essai. Tous deux ont également le droit de rompre la période d’essai, à condition de respecter un délai de prévenance. Ce délai s’élève à 24 heures pour l’employeur, si le salarié a travaillé sept jours au sein de l’entreprise et monte à 48 heures si le salarié a travaillé entre huit jours et un mois. Passé un mois de travail, l’employeur doit respecter un délai de prévenance de deux semaines, puis d’un mois, si l’employé a travaillé plus de trois mois. Quant au salarié, il peut prévenir son employeur de son départ 48 heures avant, peu importe le temps passé dans l’entreprise.

Supprimer la période d’essai, une mesure bénéfique

Si cette mesure n’est pas une obligation légale, une majorité d’entreprises françaises l’ont adoptée, si bien que la période d’essai est entrée dans les mœurs. Pourtant, plusieurs sociétés s’interrogent sur l’intérêt de la période d’essai et certaines d’entre elles décident de franchir le pas en la supprimant. Parmi elles, l’entreprise Saur a fait le pari de transformer son processus de recrutement dans le but de faciliter les embauches et faire face à une pénurie de candidats. Pour Xavier Savigny, son DRH, les bénéfices d’une telle mesure sont incontestables.

Le premier intérêt de la suppression de la période d’essai fut le ralentissement très net du turn-over. Ainsi, sur les 700 recrutés en 2020, seuls deux salariés ont mis fin à leur contrat. Passé de 3% à 1%, les départs dans les douze mois suivant l’embauche ont nettement reculé. Autre bénéfice de poids, la relation avec les employés s’est améliorée. Soulagés d’être débarrassés de l’épée de Damoclès que représente la période d’essai, ceux-ci se sont plus vite et mieux intégrés à leur nouvelle équipe et la communication avec leur collègue s’en est vue enrichie. Les relations de travail avec les managers se sont améliorées et les nouveaux collaborateurs se disent davantage engagés.

Côté RH chez Saur, on observe également des progrès notables en matière de recrutement. Puisqu’il n’est désormais plus possible de se séparer facilement d’un collaborateur fraîchement recruté, les campagnes de recrutement ont dû être affinées et les besoins de l’entreprise analysés dans le détail. Les recruteurs n’ayant plus le droit à l’erreur ont amélioré leur manière de sélectionner les candidats et de conduire les entretiens afin de dénicher les meilleurs talents pour l’entreprise.

 

Éviter les risques et dérives d’une embauche sans phase de test

Les vertus d’un recrutement sans période d’essai ne doivent pas masquer les risques et dérives dont peuvent souffrir l’entreprise et les candidats à l’embauche. En Belgique par exemple, des représentants de la Confédération Construction Limbourg jugent négativement la fin de la suppression de la période d’essai. Selon eux, ce nouveau mode de recrutement conduirait à une précarisation de l’emploi.

Faute de pouvoir recruter des salariés en CDI avec le filet de sécurité que représente la période d’essai, de nombreuses entreprises ont davantage recours aux contrats courts voire aux missions d’intérim pour augmenter leurs effectifs. Une raréfaction des CDI qui pénalise les candidats à l’embauche et freine la croissance des entreprises qui hésitent à recruter des collaborateurs sur le long terme. Processus de recrutement difficile et frileux, sélection des candidats trop drastique, manque de pérennisation des postes sont autant de dérives qui desservent salariés et employeurs.

De plus, l’erreur de casting peut coûter très cher à une entreprise ayant décidé de supprimer la période d’essai. Les possibilités de réorientation du salarié recruté pouvant se révéler impossibles, les employeurs n’ont alors d’autres choix que de s’aventurer dans un processus de licenciement, long, coûteux et pénible. Tous ces risques représentent des freins significatifs à la suppression de la période d’essai pour de nombreuses entreprises.

 

Réussir son recrutement sans période d’essai

Supprimer la période d’essai et faire le pari de bénéficier des vertus d’une telle décision doit être fait de façon réfléchie et méthodique. Il faut ainsi revoir la qualité des méthodes de recrutement et renforcer la formation des managers qui recrutent. Le but ? Sélectionner les meilleurs candidats et détecter les profils ne correspondant pas au poste avant la signature du contrat.

La volonté de supprimer la période d’essai doit émaner d’une décision collégiale, avec l’accord sincère du dirigeant d’entreprise. Les campagnes d’embauche doivent être précédées d’une étude minutieuse des besoins réels et précis de l’entreprise en matière d’effectif, de compétences et de performance. Par ailleurs, il est faux de croire que l’absence d’une période d’essai facilite naturellement l’onboarding : au contraire, cette période d’intégration est d’autant plus importante et doit faire l’objet de nombreuses discussions franches entre le salarié, son manager et l’équipe RH pour veiller à son inclusion et son engagement.

Pour réussir son recrutement sans période d’essai et éviter les écueils de ce mode de recrutement, Xavier Savigny, DRH du groupe Saur, recommande de procéder à un test pendant quelques mois, sur un panel de recrutement. Selon le retour d’expérience effectué avec les équipes, l’entreprise pourra identifier les lacunes qu’il lui faut combler avant de confirmer sa décision de supprimer la période d’essai ou bien de renoncer à ce choix.

Véritable révolution RH, la suppression de la période d’essai est perçue comme un rempart ultime contre les vagues de départs prématurés. Selon les besoins de l’entreprise et l’efficacité de ses techniques de recrutement, les avantages peuvent être nombreux pour les employeurs et les salariés. Néanmoins, supprimer la période d’essai doit être le résultat d’un long travail préparatoire afin de ne pas mettre en péril la croissance de l’entreprise en limitant l’accès aux contrats longs et pérennes, véritables stabilisateurs des effectifs.

 

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Crédit photo : Pexels

 

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À propos de l'auteur

Dalale Belhout

Directrice au sein de la Fondation FACE (Fondation Agir Contre l'Exclusion), Dalale dirige le Club des entreprises socialement engagées de Seine-Saint-Denis et sensibilise acteurs privés et publics aux enjeux de recrutement inclusif et de diversité en entreprise. Ancienne Head of Content chez DigitalRecruiters, elle est aujourd'hui ambassadrice du Lab'DR, une communauté d'experts qui partage réflexions et bonnes pratiques sur le blog. Dalale est par ailleurs co-auteur de plusieurs ouvrages dédiés au digital appliqué aux RH, à la marque employeur et au recrutement responsable et éthique, sujets sur lesquels elle intervient régulièrement en tant que conférencière.