45% des personnes interrogées répondent « non » à la question : « Connaissez-vous la PreParE (Prestation Partagée d’Éducation) qui permet aux deux parents de prendre un congé parental pour partager la garde leur enfant ? » (Rapport de l’Inspection Générale des Affaires Sociales publié en 2019 sur le congé parental et la PreParE)
Acquis social ou instrument politique, le congé parental est au cœur des inégalités hommes-femmes. Dans l’article suivant, nous vous faisons un état des lieux du congé parental en France et en Europe !
1) En France, un principe de « libre-choix » qui n’en est pas vraiment un !
7 mères sur 10 prennent un congé parental pour être présentes pendant les 6 premiers mois de l’enfant
Le congé parental, la face visible de l’iceberg
À travers l’histoire française, le dispositif du congé parental est tantôt accompagné d’allocations pour inciter les femmes à rester au foyer quand le chômage est élevé (1994) tantôt accompagné d’allocations pour les inciter à retourner sur le marché du travail (2006) et limiter leur précarisation.
Le congé parental est plutôt long en France par rapport à d’autres pays européens pour contrebalancer les difficultés à trouver des places en garderie mais cela affecte le retour à l’employabilité des femmes qui ont plus de mal à se réinsérer après avoir quitté le marché du travail pour une longue période.
En France, il ne s’agit donc pas uniquement d’un simple acquis social, mais plutôt d’un dispositif qui s’adapte à une politique nationale, porté par un idéal d’équilibrer vie privée et professionnelle et égalité homme-femme ; qui se révèle surtout être un détecteur d’inégalités.
Le congé parental dans le droit du travail français
Le congé parental d’éducation (CPE) est accessible à tous les salariés hommes ou femmes qui viennent d’avoir un enfant naturel ou adopté de moins de 3 ans, et qui justifient d’un an d’ancienneté dans leur entreprise. Il leur permet d’arrêter de travailler totalement ou partiellement pour s’occuper de leur enfant pendant 3 ans maximum (à partir de la date de naissance ou d’adoption de l’enfant) tout en ayant la garantie de retrouver leur travail ou un poste équivalent à leur retour.
Il est demandé pour une durée de 12 mois et renouvelable deux fois jusqu’aux trois ans de l’enfant. La demande de congé parental se fait par courrier avec accusé de réception ou remise en main propre contre décharge un mois avant la fin du congé maternité. Les renouvellements se font par courriers avec accusé de réception un mois avant la fin prévue du congé.
L’employeur ne peut pas refuser une demande de congé parental, il peut cependant, en cas de congé parental partiel, choisir la répartition des horaires de présence du salarié.
Dans le cadre du congé parental partiel, c’est le salarié qui choisit le nombre d’heures qu’il souhaite travailler sachant qu’il ne peut pas travailler moins de 16 heures par semaine. Il est possible à chaque renouvellement de congé parental de passer soit à un arrêt total, soit à un arrêt partiel. Une fois que le nombre d’heures de congé parental a été défini, il n’est pas possible de revenir dessus.
Un congé parental d’éducation peut être écourté en cas d’accord avec l’employeur, en cas de décès de l’enfant ou en cas de perte de revenu significative dans le foyer.
Le congé parental peut s’accompagner d’une allocation (la PreParE), mais celle-ci ne couvre pas la totalité du congé parental. La France compense son allocation plutôt faible par rapport à d’autres pays avec d’autres prestations familiales. Le congé parental n’est pas rémunéré sauf si cela est prévu par la convention collective ou si le salarié souhaite utiliser son compte épargne temps (CET).
À son retour à l’emploi, le salarié récupère son travail ou un poste équivalent, avec une rémunération équivalente et doit passer un entretien professionnel.
Pourquoi se sont plus souvent les femmes qui prennent un congé parental en France ?
Dans un premier temps, il y a une forme de résistance culturelle qui associe le congé parental à la mère puisque l’éducation des enfants lui a longtemps été attribuée. En 1939, on parlait d’un « salaire maternel » pour encourager les femmes à rester au foyer et relancer le taux de natalité.
Dans un second temps, le congé parental français ne prévoyant pas de rémunération sinon une allocation forfaitaire inférieure à 400 euros, c’est souvent le revenu le moins élevé du foyer qui s’arrête de travailler. Comme il est reconnu que les femmes gagnent moins que les hommes, elles sont plus susceptibles de prendre un congé parental. Seulement 4% des pères profitent du congé parental.
D’après le rapport de l’Inspection Générale des Affaires Sociales publié en 2019 ; la comparaison des dispositifs de congés parentaux en Europe révèle trois facteurs qui incitent les pères à prendre un congé parental :
– réserver une fraction du congé parental indemnisé aux pères (c’est-à-dire qu’une partie de la durée du congé parental indemnisé ne peut être prise que par le père) – cela s’applique partiellement en France : en effet l’allocation PreParE verse 6 mois d’allocations à la mère et 6 mois d’allocations au père, cependant, en raison du principe de libre-choix, la totalité du congé parental peut n’être prise que par un seul parent, dans ce cas l’allocation n’est versée que pour 6 mois à un seul des parents.
– s’assurer que le congé parental est bien rémunéré (au moins 50% du revenu précédent) – ce qui ne s’applique pas en France puisqu’il n’est pas rémunéré sur un pourcentage du salaire.
– offrir des possibilités de départ en congé flexibles (fractionnement, temps partiel, etc.) – ce qui s’applique en France.
2) En Europe, le congé parental est un sujet qui se gère au niveau national
En Suède, 70% des journées de congé parental sont prises par les femmes et 30% par les hommes (Source : Ambassade de Suède en France)
Il existe de grandes disparités en matière de congé parental en Europe
7 pays ne versent aucune rémunération ni indemnisation lors du congé parental : le Royaume-Uni, l’Espagne, l’Irlande, la Grèce, le Pays-Bas, Malte et Chypre.
12 pays prévoient un quota du congé parental réservé au père pouvant aller d’un mois à six mois : la Belgique, la Grèce, l’Irlande, l’Italie, le Luxembourg, Malte, les Pays-Bas, le Royaume-Uni, la Croatie, le Portugal, la Roumanie et la Suède.
13 pays proposent une rémunération qui correspond au moins à 66% du revenu précédent : la République Tchèque, l’Allemagne, le Danemark, le Luxembourg, la Slovénie, la Roumanie, la Suède, l’Autriche, l’Estonie, la Finlande, la Hongrie, la Lituanie et la Pologne. On constate donc que les pays d’Europe de l’Est et du nord de l’Europe sont favorables à un congé parental rémunéré.
La stratégie suédoise qui facilite l’égalité homme-femme !
La Suède a opté pour un congé parental de 16 mois dont 13 mois rémunérés à 80% du dernier revenu perçu (avec un plafond à 2500 euros par mois) et 3 mois avec une allocation de 500 euros par mois. C’est donc l’un des pays qui rémunèrent le mieux le congé parental, d’où la raison pour laquelle plus d’hommes en profitent. Le père et la mère ont chacun 3 mois de congé parental et le reste du temps de congé se partage au libre-choix.
Alors que la France autorise un congé parental plus long pour pallier le manque de places en garderie, la Suède met l’accent sur le développement des systèmes de garde une fois que le congé parental est passé, ce qui incite donc à prendre une grande partie du congé parental.
L’Allemagne, un congé parental qui laisse le choix !
L’Allemagne propose soit un congé parental rémunéré à 65% du revenu pendant 12 mois avec un minimum de ressources à 300 euros par mois et un plafond à 1800 euros par mois, soit un congé parental de 24 mois deux fois moins rémunéré que celui de 12 mois. La stratégie allemande a permis d’augmenter le nombre de pères en congé parental, passant de 3,3% en 2006 à plus de 35% en 2015 même si leur congé parental dure en moyenne 3,7 mois contre 13,8 mois pour les femmes.
La volonté d’harmonisation de l’Union Européenne, on n’y est pas encore !
Une directive européenne visait à harmoniser le congé parental en proposant une meilleure rémunération, un congé parental pour le père non transférable et une meilleure égalité homme-femme. Elle n’a pas pu être rendue obligatoire parce que pour résumer : les pays qui ne rémunèrent pas le congé parental ne voulaient pas avoir à en payer, ceux qui ne rémunèrent pas beaucoup (comme la France) ne voulaient pas avoir à payer plus et ceux qui rémunèrent très bien comme les pays scandinaves, ne voulaient pas promouvoir un système qui rémunère moins bien que le leur ! Le congé parental s’avère donc être un enjeu encore très national adapté aux politiques sociales et familiales propres à chaque pays.
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