Conseils Recrutement

L’intelligence artificielle permet-elle réellement de diversifier le recrutement ?

« Comment le robot agrégera-t-il l’ensemble des compétences, techniques, comportementales, managériales, et ce « supplément d’âme » qui fait qu’en chaque individu le…

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« Comment le robot agrégera-t-il l’ensemble des compétences, techniques, comportementales, managériales, et ce « supplément d’âme » qui fait qu’en chaque individu le tout est supérieur à la somme des parties ? Les graines de génies, personnalités anormales ou d’exception, seront-elles identifiées par les algorithmes ? », Sylvain Grevedon, Directeur de Mercuri Urval France.

L’intelligence artificielle se met au service du recrutement pour garantir une sélection de candidats objective, dans le respect de la diversité, sans a priori, n’ayant pour seul dessein que de trouver le ou les candidats parfaits pour l’entreprise sans distinction de genre, de culture ou de physique. C’est un véritable outil pour l’homme qui permet d’éviter les biais de recrutement et promet de recruter uniquement sur la base des capacités et du potentiel de chacun.

En sommes-nous si sûrs ? L’intelligence artificielle permet-elle réellement de diversifier le recrutement ? Éléments de réponse dans cet article.

L’intelligence artificielle, acteur de la diversité du recrutement ?

La diversité en entreprise favorise la fierté d’appartenance pour 53% des personnes interrogées et est un facteur de créativité et d’innovation pour 32% des sondés ! (Enquête Hays 2017 sur la diversité en entreprise)

S’affranchir des préjugés

Il n’y a aucun doute sur les difficultés actuelles pour certains types de profils à aller jusqu’en entretien. Que ce soit parce qu’ils ne portent pas le bon nom – d’après le testing réalisé en 2016 par le Ministère du travail, les noms aux consonnances hexagonales recevaient des réponses positives à 47% contre 36% pour ceux aux consonnances étrangères – parce qu’ils évitent de mettre leur photo sur le CV de peur d’être recalé pour des préjugés physiques, ou parce qu’ils n’ont pas le bon bagage, les entreprises passent à côté de candidats à fort potentiel. Comment l’expliquer ? Malheureusement, certains recruteurs ou managers déterminent parfois leur sélection sur des critères biaisés, conscients ou non. D’après l’enquête Hays 2017 sur la diversité en entreprise, la première raison pour laquelle certaines entreprises ne s’engagent pas pour soutenir la diversité est la crainte de générer des conflits.

Pourtant, la diversité est un facteur clé en termes d’innovation et de performance en entreprise. Bien que la loi impose de justifier pourquoi tel ou tel critère de sélection est indispensable pour la bonne exécution des tâches liées au poste afin d’éviter toute forme de discrimination, il est difficile de contrôler à l’heure actuelle les modes de sélection des candidats. Ce sera certainement de l’histoire ancienne grâce à l’intelligence artificielle qui permettra un meilleur suivi et un meilleur contrôle des critères de sélection. Les créations d’algorithmes, l’accès au big data et l’analyse de données à grande échelle permettront de scanner le web pour trouver la candidature parfaite en se basant uniquement sur la capacité de chacun et chacune à répondre aux exigences du poste et en mettant de côté les freins à l’embauche subjectifs. Une évolution technologique majeure qui promet de belles aventures professionnelles pour de nombreux candidats laissés pour compte à l’heure actuelle.

L’intelligence artificielle, facteur d’une discrimination transposée ?

« L’intelligence artificielle se définit comme le contraire de la bêtise naturelle » – Woody Allen, réalisateur et scénariste américain.

Une pré-sélection objective pour une sélection finale subjective

Bien que l’intelligence artificielle présente de nombreux avantages, il ne faudrait pas tout prendre pour argent comptant. En effet, quelques pistes de réflexion permettent également de cerner les limites de l’intelligence artificielle dans le processus de recrutement, notamment en termes de diversité.

Qui déterminera les critères de sélection ? Si l’on considère que les responsables RH seront toujours indispensables aux entreprises, on peut en déduire que ce sont eux, ainsi que les responsables d’entreprise qui indiqueront à l’intelligence artificielle le candidat qu’ils recherchent. En partant de ce postulat, peut-on encore parler d’objectivité ? En outre, si ce sont les hommes qui décident des critères de sélection, il y a de fortes chances pour qu’il y ait encore des biais de recrutement.

Bien évidemment, ces biais ne concerneront probablement pas les origines, le physique ou le genre des candidats car on peut espérer que les entreprises devront rendre des comptes auprès des institutions légales pour prouver comment leurs critères de sélection favorisent la diversité.

Cependant, ce que l’on gagnera en diversité de culture, de genre et d’expérience professionnelle se fera peut-être au détriment de la diversité en termes de personnalité, d’attitude et d’originalité. Les spéculations sur l’étendue des compétences de l’intelligence artificielle évoquent la possibilité d’analyser les candidats en entretiens vidéo au niveau des expressions du visage, de l’attitude, des intonations de voix, etc., en comparant les entretiens des candidats à ceux des employés déjà en poste. À quelles fins ? Si l’intelligence artificielle est utilisée pour recruter des personnes souriantes, au vocabulaire riche, pleines d’entrain, au débit de parole rassurant, parce que c’est ce qui se rapproche le plus du candidat idéal dans l’inconscient collectif, ne risque-t-on pas de ne recruter que des clones ? Est-ce qu’un candidat à l’aise face à la caméra aura plus de potentiel en poste qu’un candidat stressé par les conditions de recrutement ?

Et une fois sélectionné, qui fera passer les entretiens ? Si ce sont toujours les hommes, qu’est-ce qui les empêchera d’évincer la candidature d’une personne handicapée, d’origine étrangère ou au physique peu avantageux au moment de l’entretien ? Il se pourrait que l’intelligence artificielle crée une nouvelle forme de discrimination imperceptible qui pèsera sur la qualité du recrutement des entreprises.

C’est en anticipant les limites potentielles de l’intelligence artificielle dès aujourd’hui que nous pourrons trouver des moyens de répondre aux nouvelles problématiques qui se poseront. L’intelligence artificielle est inévitable dans l’avenir du recrutement, c’est un outil formidable qui apportera une toute nouvelle perspective au processus de recrutement. Mais l’homme est un être routinier qui a tendance à s’enfermer dans ses habitudes et ce sont ses croyances erronées qui conduisent au manque de diversité.

L’intelligence artificielle restera un outil, c’est l’homme qui continuera de décider et pour gagner en diversité, le changement doit également s’opérer au niveau des mentalités. D’un côté, les critères qui permettront à l’intelligence artificielle de définir le potentiel de tel ou tel candidat devront être remis en cause régulièrement pour éviter de tomber dans une nouvelle stigmatisation du candidat parfait, et d’un autre, les hommes devront continuer à apprendre à dépasser leurs préjugés !

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À propos de l'auteur

Dalale Belhout

Directrice au sein de la Fondation FACE (Fondation Agir Contre l'Exclusion), Dalale dirige le Club des entreprises socialement engagées de Seine-Saint-Denis et sensibilise acteurs privés et publics aux enjeux de recrutement inclusif et de diversité en entreprise. Ancienne Head of Content chez DigitalRecruiters, elle est aujourd'hui ambassadrice du Lab'DR, une communauté d'experts qui partage réflexions et bonnes pratiques sur le blog. Dalale est par ailleurs co-auteur de plusieurs ouvrages dédiés au digital appliqué aux RH, à la marque employeur et au recrutement responsable et éthique, sujets sur lesquels elle intervient régulièrement en tant que conférencière.