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Ordonnances Macron : quel impact sur le recrutement ?

Selon un sondage Harris Interactive 2017, une majorité des français se disaient opposés aux ordonnances Macron ! Les ordonnances proposées par…

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Selon un sondage Harris Interactive 2017, une majorité des français se disaient opposés aux ordonnances Macron !

Les ordonnances proposées par le gouvernement d’Edouard Philippe sont souvent considérées comme la « loi travail 2 ». En effet, pendant sa campagne présidentielle, Emmanuel Macron a déclaré vouloir aller « plus loin » que la loi El Khomri, toujours dans la continuité de vouloir fluidifier le marché du travail, ainsi que de remettre la négociation au cœur des entreprises. Le 6 juin 2017, les grandes lignes de la réforme envisagée sont présentées aux syndicats par la ministre du travail, Muriel Pénicaud, et le 23 septembre 2017, les ordonnances prennent la forme de la « loi d’habilitation à renforcer le dialogue social », qui paraît alors au Journal Officiel. Même si le sujet premier de la loi n’a pas été de réformer le recrutement, il y a néanmoins certains de ses aspects qui pourraient en être impactés.

Ordonnances : quel contenu pour quelle utilité ?

Les ordonnances ont pour but de favoriser la négociation au sein des entreprises

Comme mentionné précédemment, le cœur de la réforme est de pouvoir instaurer davantage de négociation au sein des entreprises. La loi étend le nombre de sujets concernés par la négociation, là où la loi travail n’y mettait que le sujet du temps de travail.

5 ordonnances, en tout, ont été adoptées et publiées au Journal Officiel. Elles sont relatives :

  • Au renforcement de la négociation collective et à son cadre, ainsi qu’à diverses mesures autour de ce sujet
  • À la nouvelle organisation du dialogue social et économique dans l’entreprise et favorisant l’exercice et la valorisation des responsabilités syndicales
  • À la prévisibilité et la sécurisation des relations de travail
  • À la prévention et à la prise en compte des effets de l’exposition à certains facteurs de risques professionnels et au compte professionnel de prévention

Un marché du travail plus dynamique : vers une augmentation du turn-over ?

Selon un sondage IFOP/Fiducial 2018, 75% des français s’attendent à des plans de licenciement suite à la mise en place des ordonnances Macron !

Un marché du travail plus fluide

La fluidification du marché du travail sera sans doute l’un des aspects les plus marquants de la loi sur les directions des ressources humaines des entreprises. Les recruteurs doivent s’attendre à des potentiels mouvements de personnel plus importants dans leur organisation. Plusieurs entreprises, comme PSA ou encore Pimkie, envisageaient déjà des plans de départs suite à la publication des ordonnances. En effet, un pan entier de la réforme a été consacrée à sécuriser plusieurs possibilités de licenciements. Nous retrouvons tout d’abord des mesures sécurisant l’entreprise concernant les licenciements sans cause réelle et sérieuse :

  • L’instauration d’un barème obligatoire pour les indemnités de licenciement sans cause réelle et sérieuse, qui comprend désormais un montant minimal et maximal. Ces montants sont notamment revus à la baisse pour les très petites entreprises (moins de 11 salariés).
  • La revue à la baisse du délai de prescription pour toute action sur la rupture de contrat de travail, aussi bien pour les ruptures classiques que pour les ruptures ayant un motif économique. Ce délai est désormais de 12 mois dans ces deux cas.
  • Plusieurs irrégularités de forme au cours de la procédure de licenciement ne suffisent plus à requalifier systématiquement le licenciement comme « sans cause réelle et sérieuse ». Par exemple, l’absence de motivation dans la lettre de licenciement ne prive pas, à elle seule, le licenciement de cause réelle et sérieuse. Elle ouvre droit uniquement à une indemnité qui ne peut être supérieure à un mois de salaire.

Concernant l’inaptitude professionnelle ou non professionnelle, l’obligation de reclassement de l’employeur est désormais limitée territorialement. Ainsi, le reclassement s’effectuera au sein de l’entreprise ou du groupe situé sur le territoire national. Cela est également valable dans un groupe où l’entreprise majoritaire n’aurait pas son siège en France : seules les entreprises implantées sur le territoire français comptent.

Enfin, une des mesures phares proposées par les ordonnances est l’instauration d’un nouveau type de licenciement collectif : la rupture conventionnelle collective. Similaire à un plan de départ volontaire, elle permet à tout employeur d’appliquer une rupture conventionnelle avec plusieurs salariés volontaires en une seule fois, via un accord collectif, en accord avec la DIRECCTE. C’est notamment cette mesure qui intéresse plusieurs entreprises désireuses de mettre en place des licenciements collectifs.

Par conséquent, l’activité du recrutement va sans doute connaître davantage de fluctuations. Si les mesures concernent principalement les modalités de licenciement, elles ont pour objectif commun de pouvoir adapter les effectifs à l’activité de l’entreprise de façon beaucoup plus réactive. C’est d’ailleurs ce qu’on appelle un renforcement de la fluidité numérique du marché du travail. Ainsi, si l’entreprise licencie de façon massive, il est fort à parier qu’après une reprise d’activité post-licenciement, celle-ci veuille à nouveau recruter. Les recruteurs connaîtront alors peut-être des phases de pics de recrutement et de périodes creuses plus intenses !

Une redéfinition des postes à opérer : attention à votre marque employeur !

« Ce qui est en jeu, c’est changer l’état d’esprit du code du travail, en favorisant la négociation et en faisant confiance aux acteurs de terrain pour savoir ce qui est bon pour les entreprises, ce qui est bon pour les salariés », Muriel Pénicaud, Ministre du Travail.

Les ordonnances accordent un rôle stratégique aux accords de branche

Les ordonnances sont également l’occasion pour les entreprises de revoir en profondeur leur mode d’organisation via la définition de leurs postes. En effet, de par les accords d’entreprise ou les accords de branches, les organisations vont potentiellement avoir accès à de nouvelles possibilités quant à la définition de la durée du travail, des forfaits annuels en heures ou en jours, des taux de majoration des heures supplémentaires, du travail de nuit ou encore de la durée maximale quotidienne de travail effectif.

Certains types de contrats ont également été modifiés. Les modalités des contrats généralement qualifiés de « précaires » (CDD/intérim) peuvent être désormais abordés dans les accords de branche. Ainsi, la durée totale des contrats, leurs renouvellements et leurs délais de carence peuvent être modifiés par accord de branche. L’utilisation du CDI de chantier (parfois appelé : « CDI de mission, ou d’opération ») peut également être étendu au-delà des secteurs où son usage y était auparavant habituel. Ainsi, un accord de branche peut mettre en place la possibilité de signer un CDI de chantier avec un salarié. Ce type de contrat est utilisé lorsqu’un salarié est embauché pour une mission définie, dont la durée est indéterminée ou incertaine. Concernant les contrats de génération, ils ont purement et simplement été supprimés par les ordonnances.

Enfin, les ordonnances Macron ont été l’occasion de renforcer l’encadrement par accord, ou à défaut par charte, du télétravail. Il est donc possible que certaines entreprises saisissent cette occasion pour développer la mise en place du travail à distance, et ainsi le proposer à leurs salariés : un nouvel élément de marque employeur à valoriser pour les recruteurs !

Pour certains recruteurs, cela implique que l’entreprise ou la branche de l’activité puisse redéfinir partiellement ou complètement le type de postes pour lesquels il faudra recruter. Les postes seront déjà moins standardisés entre les différentes entreprises ; il sera donc nécessaire de passer plus de temps à se mettre en accord avec le manager et/ou le service d’administration du personnel sur la définition des missions et des compétences attendues. Du côté de la relation avec le candidat, il faudra connaître sur le bout des doigts chaque modalité prévue par la branche, pour pouvoir l’expliquer et le vendre au candidat pendant l’entretien. De façon générale, il sera nécessaire de porter attention à la marque employeur de l’entreprise, et notamment au vu de ce que prévoit la branche. Par conséquent, faites très attention à la réalisation des nouveaux contrats, et développez vos connaissances sur les modalités imposées par votre branche d’activité !

Contrairement à ce que l’on pourrait penser, certains aspects du recrutement peuvent être impactés par les ordonnances Macron. Néanmoins, ils le seront principalement de façon indirecte, et cela ne changera pas a priori les phases de recrutement au quotidien (si ce n’est que les fluctuations d’activité). La stratégie adoptée par l’entreprise en termes d’attractivité et de marque employeur sera elle, en revanche, plus impactée, et notamment concernant les types de contrats à proposer pour les candidats. Tout dépendra des choix de l’entreprise, ainsi que de la branche en termes d’organisation du travail !

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À propos de l'auteur

Dalale Belhout

Directrice au sein de la Fondation FACE (Fondation Agir Contre l'Exclusion), Dalale dirige le Club des entreprises socialement engagées de Seine-Saint-Denis et sensibilise acteurs privés et publics aux enjeux de recrutement inclusif et de diversité en entreprise. Ancienne Head of Content chez DigitalRecruiters, elle est aujourd'hui ambassadrice du Lab'DR, une communauté d'experts qui partage réflexions et bonnes pratiques sur le blog. Dalale est par ailleurs co-auteur de plusieurs ouvrages dédiés au digital appliqué aux RH, à la marque employeur et au recrutement responsable et éthique, sujets sur lesquels elle intervient régulièrement en tant que conférencière.