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Harcèlement au travail : que dit la loi ?

Selon une enquête Samotrace, 16% des salariés déclarent au moins avoir vécu un épisode de violence ou de discrimination au…

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Selon une enquête Samotrace, 16% des salariés déclarent au moins avoir vécu un épisode de violence ou de discrimination au cours des 12 derniers mois !

Le harcèlement au travail est un sujet extrêmement sensible. Entre les nombreux cas qui ne sont jamais déclarés, et les accusations qui sont parfois faites à tort et à travers, il est difficile de faire la part des choses tant le sujet est gorgé d’idées reçues, d’a priori, et d’émotions. Le terme « harcèlement » est souvent utilisé, de façon plus ou moins justifiée. Tout le monde s’accordera au moins sur une chose : le terme inspire la peur. Du côté des victimes, les conséquences peuvent être nombreuses lors de la révélation d’une affaire : atteinte à la santé physique et/ou mentale, blocage de carrière, arrêt de travail, voire licenciement. Du côté entreprise, la révélation d’un tel cas peut dégrader considérablement le climat et les relations sociales. Par conséquent, avant de parler de harcèlement, soyons sûrs de ce dont on parle : que dit la loi à ce sujet ?

Dans cet article, une réflexion autour du harcèlement au travail ainsi qu’une explication de la législation encadrant ce sujet sensible.

Qu’est-ce que le harcèlement au travail ?

Selon un sondage IFOP 2018, près d’une femme sur trois déclare avoir été victime d’une forme de harcèlement sexuel au cours de sa carrière.

Le harcèlement au travail est strictement défini par la loi

L’article L. 122-49 définit le harcèlement comme « des agissements répétés qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte aux droits et à la dignité des salariés, stagiaires ou des personnes en formation, d’altérer leur santé physique ou mentale ou de compromettre leur avenir professionnel ». Il est également inscrit dans l’article 222-33-2 du Code pénal.

Dans cette définition, il y a une notion particulièrement fondamentale : la répétition. Il est nécessaire que les actes ou propos soient répétés pour parler de harcèlement. C’est sur ce critère que vont se distinguer beaucoup de situations qualifiées comme du harcèlement, mais qui ne sont pas considérées juridiquement comme telles. Il n’est pas nécessaire que la période où les comportements se répètent soit longue : quelques semaines, voire quelques jours suffisent. Il n’est pas non plus nécessaire que les différents comportements soient les mêmes, du moment qu’ils ont la même conséquence voulue ou non.

On distingue généralement au moins deux types de harcèlement :

  • Le harcèlement moral : les termes « bullying » et « mobbing » sont souvent employés. Ils désignent des actes d’agressivité, de brutalité ou d’intimidation réalisés par une ou plusieurs personnes. Les actes ne sont pas nécessairement physiques, et peuvent être uniquement des propos violents, ou humiliants. On parlera dans ce cas de « harcèlement psychologique ».
  • Le harcèlement sexuel : ce type de harcèlement a récemment refait surface dans le débat médiatique avec l’affaire Weinstein. En France, la loi prévoit une protection spécifique pour les victimes de harcèlement sexuel au travail. Il se définit comme « le fait d’imposer à une personne, de façon répétée, des propos ou comportements à connotation sexuelle qui portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, ou créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante. ». Il est important de souligner que le harcèlement sexuel se situe bien avant le viol, ou même l’agression sexuelle. Le seul fait d’émettre une pression importante envers une personne, même non-répétée, dans le but d’obtenir un acte sexuel, suffit à qualifier l’acte de harcèlement sexuel.

Concernant le traitement juridique d’une telle situation, il faut à l’origine que la personne dépose une plainte incriminant le présumé harceleur, au plus tard 6 ans après le dernier fait de harcèlement. Une enquête est alors ouverte, et c’est le juge, seul, qui décidera de qualifier ou non la situation de harcèlement, au vu de tous les éléments et preuves apportées par les deux parties.

Les obligations juridiques de l’employeur quant au harcèlement

Selon l’enquête européenne sur les conditions de travail en Europe, la France présente un niveau de cas de harcèlement déclarés supérieur à la moyenne européenne.

L’employeur est tenu d’une obligation de sécurité de résultats en matière de protection de la santé des travailleurs

Juridiquement, l’employeur doit prendre toutes les dispositions nécessaires pour prévenir le harcèlement. En effet, l’entreprise peut être jugée responsable, même en l’absence de faute de sa part. Autrement dit, l’employeur doit mettre en place des mesures afin de réduire la survenue du harcèlement. Jusqu’au 1er juin 2016, l’entreprise était quasi systématiquement condamnée dans les cas de harcèlement dans la mesure où elle avait une obligation de résultats. Aujourd’hui, l’employeur peut être disculpé s’il démontre que des moyens ont été mis en place en amont des actes de harcèlement, ayant pour objectif de réduire la survenue d’actes de harcèlement constatés. Cela peut consister notamment en la mise en place d’un programme de sensibilisation des salariés au harcèlement. La professionnalisation du management, de façon générale, peut également être un levier d’action pour éviter le harcèlement.

Certaines conditions physiques de travail ou la nature même des missions d’un collaborateur peuvent être considérées comme du harcèlement. En effet, conformément à l’article 2 de l’Accord National Interprofessionnel du 26 mars 2010, la jurisprudence sociale stigmatise des situations potentiellement harcelantes liées aux conditions physiques de travail ou à la charge de travail. Par exemple, le simple fait de donner des tâches ayant très peu d’intérêt (archivage ou photocopie), ou le fait d’isoler un individu dans un bureau à part des autres salariés peuvent être qualifiés de harcèlement moral.

Comment distinguer un acte de management d’un acte de harcèlement ?

Après l’affaire de la vague de suicides à France Telecom en 2009-2010, l’ex-PDG a été accusé d’harcèlement managérial collectif, une qualification inédite au tribunal à cette époque.

L’importance de sensibiliser managers et salariés au sujet du harcèlement au travail

S’il y a bien une catégorie de salariés sur laquelle la menace d’une accusation de harcèlement plane, ce sont les managers. Leurs positions hiérarchiques, ainsi que l’essence même de leurs postes les obligent à être extrêmement vigilants sur leur mode de management. Le cadre juridique de base ne permet pas de faire cette distinction de façon certaine. Toutefois, certaines jurisprudences donnent des pistes. Par exemple, l’intention de harceler autrui n’est pas un élément nécessaire pour qualifier une situation de harcèlement. C’est d’ailleurs l’une des problématiques récurrentes pour les managers : beaucoup de cas de harcèlement ne sont pas vécus comme tels par les harceleurs. Il est donc nécessaire de faire de la prévention en entreprise, en sensibilisant les managers et les collaborateurs au harcèlement, avant de se confronter à une situation problématique.

Le mode de management tout entier peut également être qualifié de harcèlement moral. Ce fut la décision de la cour de cassation, produisant l’arrêt Association Salon Vacances Loisirs en date du 10 novembre 2009. Il s’agit de la première décision de justice ayant établi un lien entre mode de management et harcèlement moral : les condamnations se sont appliquées au vu du mode de management, et non à cause des agissements isolés d’un seul individu.

Les différents exemples d’affaires juridiques montrent que la distinction entre management et harcèlement n’est pas si intuitive. Il est donc nécessaire de garder à l’esprit que ce sont les conséquences de comportements individuels ou collectifs qui permettent au juge de qualifier la situation de harcèlement ou non.

Avant de qualifier une situation de harcèlement, il faut impérativement veiller à l’objectiver au maximum au regard de la loi. Cependant, au-delà du cadre juridique, toute organisation a intérêt à traiter sérieusement le cas du harcèlement de façon préventive. En effet, s’il n’est pas courant, le harcèlement peut toutefois provoquer un véritable raz-de-marée dans l’organisation lorsqu’il survient. Si l’entreprise n’a pas préparé un minimum le terrain, les dégâts peuvent être considérables, à la fois pour le salarié, mais aussi pour l’organisation. La sensibilisation en amont des managers et des collaborateurs reste l’un des fondamentaux nécessaires à la bonne gestion de la problématique du harcèlement au travail.

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À propos de l'auteur

Dalale Belhout

Directrice au sein de la Fondation FACE (Fondation Agir Contre l'Exclusion), Dalale dirige le Club des entreprises socialement engagées de Seine-Saint-Denis et sensibilise acteurs privés et publics aux enjeux de recrutement inclusif et de diversité en entreprise. Ancienne Head of Content chez DigitalRecruiters, elle est aujourd'hui ambassadrice du Lab'DR, une communauté d'experts qui partage réflexions et bonnes pratiques sur le blog. Dalale est par ailleurs co-auteur de plusieurs ouvrages dédiés au digital appliqué aux RH, à la marque employeur et au recrutement responsable et éthique, sujets sur lesquels elle intervient régulièrement en tant que conférencière.