En 2017, 87% des français sont des utilisateurs d’Internet et plus de la moitié de la population en fait un usage nomade dans le cadre d’activités personnelles, mais aussi professionnelles.
L’omniprésente digitalisation a dématérialisé notre rapport aux activités professionnelles et engendré une intrusion perpétuelle dans nos vies au péril de l’équilibre personnel de chacun.
La récente et galopante révolution numérique entamée au milieu des années 90 avec la démocratisation d’Internet, puis dans les années 2000 avec l’apparition et la distribution à grande échelle des smartphones et ordinateurs portables a totalement bouleversé nos modes de vie et notre façon de travailler. Ces innovations permettent à chaque être humain, quelques soient sa culture ou son rang social, de communiquer aisément et de manière quasi instantanée partout sur la planète. Cette évolution technologique a mis le monde a la portée de tous et a permis un accroissement de productivité significatif dans bien des secteurs d’activité.
Cependant, l’accélération induite, la mise en concurrence accrue et élargie des individus, de même que la mise à disposition quasi permanente de salariés devenus dépendants de leurs outils numériques mobiles, joignables à toute heure et ce, n’importe où, a aggravé conséquemment le taux de stress de ces derniers au risque d’entrainer des burnouts ou syndromes d’épuisement professionnel.
Les prouesses technologiques et plus particulièrement la révolution du tout numérique à laquelle nous assistons depuis quelques décennies, serait-elle une épée à double tranchant constituant la cause majeure de la recrudescence du nombre de burnouts constatés ces dernières années ?
Dans cet article, quelques éléments de réponse.
L’ hyper connectivité, nouvelle drogue ?
Plus d’un tiers des actifs utilisent chaque jour leurs outils numériques professionnels en dehors de leur temps de travail.
Ordinateurs portables, tablettes, smartphones, réseaux sociaux, mails, applications diverses, le numérique est aujourd’hui incontournable dans nos vies.
Tandis qu’un français passe en moyenne près de 6 heures par jour sur Internet et que les européens utilisent un tiers de leur journée (34%) à lire et répondre à leurs mails, il parait évident que l’on peut dès lors parler d’hyper connectivité.
Travail plus rapide, assisté et donc de meilleure qualité pour une performance qui s’en trouve améliorée, communication non verbale plus aisée avec l’usage massif de mails parfois pour obtenir des informations d’un collègue situé dans l’openspace voisin, amélioration des relations hiérarchiques verticales, disponibilité pour ainsi dire permanente de leurs interlocuteurs… les avantages mis en avant par les entreprises ne manquent pas pour faire l’éloge du développement de l’hyper connectivité de leurs employés.
Ainsi, malgré les potentielles dérives, seuls 22% des actifs considèrent que leur entreprise prend des mesures pour inciter à limiter l’usage des outils numériques en dehors des heures de travail pour protéger des salariés qui sont 64% à lire leurs e-mails professionnels en vacances et 42% dans leur lit selon une étude Adobe. Ils sont à peine moins nombreux (34%) à estimer ne pas réussir à se déconnecter du travail en dehors des horaires de bureau, un phénomène dont l’usage des appareils nomades est le principal vecteur.
C’est pourquoi, alors que la majorité d’entre eux ne souhaite pas perdre l’autonomie et la souplesse que leur confèrent des outils numériques toujours perçus de manière très positive par le plus grand nombre, plus de 6 français sur 10 souhaitent la mise en place de règles selon le cabinet Eleas.
Une hyper sollicitation source de burnout
D’après une étude de l’institut Think pour Great Place to Work, 17% des salariés se disent potentiellement en situation d’épuisement professionnel ou « burnout », et 31% affirment être confrontés à ce problème dans leur entourage professionnel.
Des salariées surmenés et totalement submergés par leurs préoccupations professionnelles.
L’évolution du rapport au travail, qui s’introduit matériellement davantage dans la sphère privée par le biais des nouvelles technologies, laisse toujours moins de place et surtout de temps à consacrer aux activités extra-professionnelles, à tel point que pour un tiers des français le travail nuit gravement à la vie amoureuse et devient un motif de rupture pour 7% d’entre eux.
En marge du burn-out, un nouvel anglicisme a même fait son apparition pour illustrer la frontière toujours plus ténue entre vie privée et vie professionnelle : le «blurring», tiré du verbe « to blur » qui signifie effacer.
Ce surmenage, qui s’exprime par une incapacité d’arrêter de penser au travail, devient particulièrement dangereux lorsqu’il est accompagné, comme c’est bien souvent le cas, par un sentiment d’échec mêlé d’une impression d’inutilité de l’effort résultant de réprimandes continuelles pour un travail non effectué ou une performante non suffisante aux yeux de la hiérarchie alors que le travail réalisé n’est lui pas pris en compte. Dans ce cas précis, l’hyper connectivité crée un sentiment d’urgence permanente avec l’appréhension de recevoir à tout instant le mail réprobateur d’un supérieur jusque dans le cocon familial. Une violation inédite d’un sanctuaire autrefois préservé où chacun pouvait venir se réfugier après une dure journée de travail, mais que le monde de l’entreprise 2.0 n’entend pas respecter.
En outre, les nouvelles technologies peuvent permettre à des managers peu scrupuleux une supervision oppressante, un contrôle qui peut aller jusqu’à la géolocalisation des voitures de fonction par l’emploi de boitiers spécifiques ou l’emploi de logiciels espions installés directement sur les appareils utilisés par les collaborateurs de la société à leur insu.
L’hyper connectivité peut également avoir un impact préjudiciable sur la productivité au bureau. Un cadre est interrompu en moyenne toutes les 6 minutes au détriment de sa capacité à se concentrer sur des tâches nécessitant pourtant de mobiliser toute son attention de façon continue, sans parler de la perte de temps qu’il en résulte. De plus, le recours aux mails et réseaux sociaux d’entreprise ne favorise pas les relations horizontales entre collègues, nuit à l’échange et au final au bonheur et à l’épanouissement au travail.
Le fruit pourri d’un management déficient
L’intensité du travail est la cause principale de l’épuisement professionnel chez 60% des travailleurs.
Ce n’est pas le smartphone qui ordonne à l’homme de consulter ses mails.
Le salarié, sous la pression de ses managers et de la nouvelle culture d’entreprise, se sent obligé d’être disponible à tout instant. Par ailleurs, les cadres utilisent la connexion permanente comme la preuve irréfutable de leur performance et comme un moyen de se donner de l’importance au risque de tomber dans une spirale pernicieuse.
En désignant l’outil technologique, comme étant la cause principale, il est vrai de bien des maux en lien avec le burnout, on oublie que la véritable source du stress et de l’anxiété au bureau, comme à l’extérieur, n’est autre qu’un management délétère ou pathogène. En effet, un supérieur hiérarchique faible ou aux compétences limitées aura tendance à faire redescendre la pression sur ses collaborateurs ou à demander trop d’eux pour se rassurer lui-même au risque de passer pour un manager tyrannique. En envoyant des mails tard le soir, en contactant directement ses employés sur leurs mobiles personnels, le manager va devenir vecteur de cette hyper connectivité et va influencer le mal-être des salariés par le biais de cette technologie, conçue initialement pour améliorer leurs conditions de travail.
Il appartient donc aux entreprises de repenser les postures et pratiques managériales pour mettre fin à une sollicitation à outrance des employés, ainsi que pour porter une réflexion sur l’organisation du travail. Les salariés doivent être partie prenante de l’évolution des usages numériques professionnels par le biais, entre autres de formations portant sur les effets pervers du numérique. C’est donc aussi à eux de s’autolimiter pour ne pas tomber dans le piège de l’hyper connectivité et de savoir tirer la sonnette d’alarme en exprimant leur mal-être pour éviter le burn-out.
Bien plus facile à théoriser qu’à appliquer ! Aussi le stress au travail a un coût social en constante hausse : de 2 à 3 milliards d’euros annuel, soit 13 à 20% des dépenses liées aux accidents du travail et aux maladies professionnelles de la Sécurité sociale! C’est pourquoi le législateur a décidé d’agir…
Besoin d’une Techno-Detox ? Vous avez droit à la déconnexion !
Selon un sondage IFOP, 82% des cadres jugent anxiogène la connexion quasi-permanente qu’imposent leurs activités professionnelles.
La loi travail du 8 août 2016 rend obligatoire une négociation sur la régulation de l’utilisation des outils numériques « en vue d’assurer le respect des temps de repos et de congé ainsi que la vie personnelle et familiale ».
Depuis le 1er janvier 2017, l’application de la loi travail impose une négociation sur le droit à la déconnexion dans toutes les entreprises pourvues d’un délégué syndical. Si aucun accord n’est possible, les sociétés d’au moins 50 salariés sont contraintes de proposer une charte de bonne conduite pour veiller à un usage raisonné des nouveaux outils numériques. Ainsi, des garde-fous sont posés et lorsque son poste le permet, le salarié ne doit plus se voir reproché d’avoir éteint son smartphone ou de ne pas avoir répondu à des sollicitations professionnelles sur quelque canal numérique que ce soit sur son temps libre.
A noter que le cas particulier des forfaits jours a été traité dans le cadre de la loi. Pour les salariés concernés, généralement des cadres très autonomes dans l’organisation de leur emploi du temps, le droit à la déconnexion reste le même avec davantage de flexibilité. Ainsi, même si pour eux le décompte du temps de travail s’effectue en jours, le respect des heures de repos se comptabilise en heures et ils doivent pouvoir bénéficier de 11h de repos quotidien et de 35h consécutives de récupération par semaine où ils peuvent totalement se déconnecter de leurs activités professionnelles.
En conclusion, même si la cause principale des burnouts reste l’emploi massif et intrusif des nouvelles technologies en entreprise, la véritable source du problème est organisationnelle. Le législateur, conscient d’une problématique aux conséquences dramatiques, tente d’agir mais ne pourra résoudre seul une épineuse question qui nécessite avant tout une évolution en profondeur des pratiques et mentalités.
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