Selon une étude ManpowerGroup de 2017, 23% des employeurs français déclarent rencontrer des difficultés à recruter. Ils évoquent un manque de candidats disponibles sur le marché de l’emploi… voire l’absence totale de candidats qualifiés !
Dans de nombreuses entreprises, la gestion du personnel et l’embauche de nouveaux salariés étaient uniquement gérées par les patrons eux-mêmes, au mieux par leurs assistantes de direction. Dans d’autres structures, il était aussi possible de voir des comptables ou financiers recruter leurs futurs collègues pour travailler en atelier… Aujourd’hui, confier le recrutement à des amateurs en la matière n’est plus envisageable et peut se révéler suicidaire dans bien des cas. Tout comme il n‘est plus possible pour un responsable RH généraliste de consacrer un temps infini au recrutement, ou à la chasse de talents d’ailleurs. Quand en moyenne, un RH d’un grand groupe s’occupe de plus de 100 postes ouverts simultanément, il est nécessaire d’adopter une stratégie face aux candidats convoités. Cette difficulté de recruter certains profils rares engendre une autre problématique : savoir faire face aux candidats-rois… Souci générationnel me direz-vous ! Pas seulement, il arrive bien souvent que des profils avec 30 ans d’expérience, donc bien loin de la génération Y ou Z, vous énumèrent une liste de courses à vous en faire perdre la tête !
Vous n’aurez aucun mal à les identifier : depuis celui qui vous demande de changer l’intitulé de son poste, jusqu’au candidat qui exige un salaire 30% plus élevé que celui pratiqué sur le marché, en passant par le candidat qui réclame un délai de réflexion de plusieurs semaines voire de plusieurs mois sans se soucier de l’urgence de votre recrutement… Tous ceux qu’Antoine Morgaut, CEO Europe Continentale et Amérique du Sud chez Robert Walters, nomme les « candidats arrogants ». Des personnalités évoluant dans l’univers de secteurs pénuriques, indifférentes ou presque aux contraintes de la vie en entreprise, et dont le nombre serait en constante augmentation.
Des secteurs comme l’informatique, où il règne un manque notable de profils qualifiés, ont donné naissance à des candidats-rois, devant lesquels il faut dérouler le tapis rouge, casser la tirelire tout en promettant des conditions de travail agréables et « fun » dignes du géant américain Google ! A l’heure où plus en plus de cadres placent leur vie privée et leur épanouissement personnel avant leur réussite professionnelle, il faut apprendre à négocier avec les candidats-rois pour réussir à les recruter !
Dans cet article, le portrait-robot du candidat-roi et quelques conseils pour comprendre son référentiel… ou non !
La candidat-roi, une histoire générationnelle ?
Selon Claire Spohr de Frenchweb.fr, « d’ici 2025, on estime que 76% de la main d’œuvre sera composée de « millennials », ces salariés difficiles à recruter et à fidéliser pour 53% des dirigeants d’entreprises en 2016 ! »
Portrait des générations X, Y et Z : de l’enfant-roi au candidat-roi ?
Quand il est question de recrutement, le recruteur est généralement confronté à 2 grands types de candidats. Le premier type, que j’appellerai « les humbles » et le deuxième groupe, « les gâtés », ceux qui ont conscience de leur valeur sur le marché et qui comptent bien vous la faire payer !
Les candidats qui nous intéressent dans cet article, sont ceux qui vous donnent du fil à retordre, ceux qui vous poussent à donner le meilleur de vous-même, à vous montrer innovant et surtout convainquant dans votre approche. Dans ce type de recrutement, les rôles sont totalement inversés, et au lieu de vérifier avec minutie chaque détail du CV du candidat, de le titiller sur tel ou tel aspect de son parcours ou de sa personnalité, c’est vous qui vous retrouvez à vanter les mérites de votre groupe international, tout en décrivant l’ambiance décontractée de votre structure. Vous entrez dans un jeu de séduction du candidat, séduction car il est courtisé par une dizaine, si ce n’est une vingtaine d’employeurs de France et de Navarre… et vous devez l’attirer chez vous ! Compliqué, n’est-ce pas ?
Tout d’abord, pour mieux comprendre le profil du candidat-roi, il faut essayer de comprendre sa psychologie et les techniques dont il sait subtilement user pour vous faire plier à tous ses caprices !
Le portrait-type du candidat-roi n’existe pas. Il n’a pas d’âge précis, il peut être de la génération X, Y, Z, ou avoir plus de 30 ans d’expérience. Il a un certain niveau de diplôme du supérieur général au professionnel, a réalisé des stages en entreprise, de l’alternance, a une expérience intéressante dans son domaine. C’est un bon candidat. Sur le papier, vous me direz même que c’est le candidat parfait. Il maîtrise les technologies si rares que vous recherchez, expert du Big Data ou du développement Python, c’est le profil qui manque à vos équipes pour venir à bout de votre projet de migration de données. Oui mais voilà, il y a un monde entre le papier et la réalité.
Lorsque vous contactez ce candidat, vous vous rendez vite compte, dès le premier contact téléphonique, qu’il demande énormément de détails, très précis, et qu’il ne se déplacera que si vous montrez patte blanche en lui communiquant au préalable un descriptif de poste exhaustif, une fourchette de salaire précise, que si vous lui garantissez de rencontrer dans la foulée les managers opérationnels, de passer les tests techniques dans la journée… Certains demandent même à ce que les frais de déplacement à l’entretien soient à votre charge bien que n’étant pas demandeur d’emploi !
Finalement après de longues tergiversations vous arrivez à le séduire au téléphone, il vient vous rencontrer en rendez-vous. Un candidat lambda postulant à une offre, se sera préparé à l’entretien en réalisant des recherches préalables sur l’entreprise, aura travaillé un minimum sa présentation et soignera son apparence ! Avec un candidat-roi tout est différent et l’entretien ne sert que très peu à l’évaluation du candidat, ici, c’est vous qui passez votre oral ! un oral de séduction !
Il n’est donc pas rare de voir le candidat-roi venir les bras croisés, sans aucun document, écouter ce que vous avez à lui dire et vous donner en échange son cahier de doléances !
Le Candidat-roi…de la négociation !
Selon une étude RégionJob de 2016, les recruteurs évaluent l’importance du descriptif de poste et/ou de la mission à plus de 73,3% dans le choix final du candidat alors que celle du niveau de salaire atteint seulement 33,9% !
Préparez-vous à négocier finement avec le candidat
Parmi les clauses du contrat de travail que le candidat-roi n’hésite pas à négocier, on recense :
- L’intitulé de son poste et le statut (cadre ou non cadre),
- La durée de sa période d’essai et son éventuel renouvellement. Certains candidats négocient dès le départ un non-renouvellement de période d’essai. Incroyable mais vrai !
- Un salaire élevé avec des augmentations prévues dans le temps.
- Horaires de travail aménagés. Certains candidats, qui ont l’embarras du choix, exigent de pouvoir moduler leur emploi du temps à leur convenance. Grand nombre d’entre eux, hommes ou femmes, demandent à faire une semaine de 4 jours, à faire du télé-travail et à aménager leurs horaires en fonction de leur vie personnelle. Il est assez facile pour un cadre de négocier ses heures de présence en entreprise, encore plus pour un profil très demandé. D’autres négocient dès le départ des conditions particulières sur les heures supplémentaires. Le candidat-roi n’hésite pas à négocier tout ce qui est possible de négocier !
- La clause de mobilité. Certains candidats demandent purement et simplement la non-application de cette clause à leur cas particulier. Bien souvent, il est difficile pour un recruteur de déroger à la politique de mobilité mise en place par l’entreprise, néanmoins, le candidat-roi vous demandera des contreparties financières en échange de cette clause, elles peuvent se présenter sous forme de garanties de prise en charge des frais de déménagement, de second loyer etc…
- La clause de non-concurrence, d’exclusivité et de dédit-formation. Si un candidat a de multiples propositions, il sera plus facile pour lui de négocier et d’exiger un traitement particulier. Il a conscience de tout ce qu’il représente à vos yeux de recruteur mais aussi dans la politique de développement de l’entreprise. Ainsi, il pourra vous demander des efforts sur une diminution du délai de non-concurrence et d’exclusivité. La clause de dédit-formation peut être également assouplie, raccourcie dans le temps ou supprimée ! Au sujet de cette dernière clause, lorsqu’il s’agit de profils rares, celle-ci s’avère très utile dans la rétention des salariés. Et pour cause, le salarié qui aurait reçu une formation dans le courant de sa première année d’intégration ne pourra pas quitter l’entreprise avant sa deuxième année au risque de devoir rembourser l’intégralité des frais de formations dont il aurait bénéficié l’année précédente ! Aussi, il est courant que certains candidats tentent de négocier cette clause ! Il est à noter que les candidats-rois, sont bien souvent des collectionneurs d’opportunités, ils n’hésiteront pas à aller chez la concurrence si celle-ci propose des conditions plus avantageuses !
- Le délai de réflexion. Le candidat-roi ne vous donnera pas sa réponse immédiatement, il prendra le temps de réfléchir aux multiples propositions reçues. A l’image d’un swot en marketing, il va considérer vos forces, vos faiblesses et reviendra vers vous avec des questions RH plus précises, questions auxquelles il exigera des réponses écrites et fort détaillées !
Le candidat-roi, espèce plus répandue dans les secteurs pénuriques : IT, le fief des candidats gâtés !
« Le billet d’un dollar que le client reçoit des guichetiers dans quatre banques différentes est le même. Ce qui est différent, c’est les guichetiers »– Marcus STANLEY, spécialiste américain du marketing.
Rééquilibrez le rapport de force avec le candidat roi
Bien souvent, lorsqu’il s’agit de recruter des candidats au profil rare, l’enjeu stratégique est tellement fort que les recruteurs en perdent leurs moyens.
Prêts à tout pour convaincre le candidat d’accepter son offre, le recruteur en oublie complètement qu’il doit également évaluer la personnalité et vérifier les compétences du candidat. Le recruteur, se démène pour donner la meilleure image possible de l’entreprise et s’inscrit souvent dans un équilibre profitant au candidat. Or, l’attraction du candidat-roi va résider justement dans la capacité du recruteur à se mettre au même niveau que lui, ni au-dessus, ni en-dessous.
Si vous ne jouissez pas de la notoriété de Google et de millions de candidatures reçues chaque année, assurez-vous de connaître les techniques afin d’attirer un candidat-roi :
- Vous devez obligatoirement aligner votre niveau de rémunération à celui de vos concurrents. Bien évidemment, il y a de multiples aspects à prendre en compte dans le choix d’un candidat à vous rejoindre ou non, mais ne vous faites pas d’illusions ! L’argent reste le nerf de la guerre, même en 2017 ! Si déjà vous êtes incapable de vous aligner sur vos concurrents, vous allez devoir être excellent sur le reste de la négociation au risque de quoi il vous sera impossible de gagner la bataille !
- Présentez le poste de façon honnête, n’en faites pas trop. Justement, si vous vendez une image trop idyllique du poste et de l’entreprise, vous allez créer des attentes trop fortes dans l’esprit du candidat. Et ce dernier, dès le démarrage, risque d’être déçu et de vous filer entre les doigts, aussi vite qu’il vous a rejoint !
- Mettez en avant les avantages à faire partie de votre groupe, sans en faire trop, mettez-le en contact avec d’autres collaborateurs afin qu’il échange directement avec eux. Proposez lui un jour d’essai et ne confirmez l’embauche que si ce dernier a été concluant.
- Mettez en avant les opérationnels afin « qu’ils donnent envie techniquement » au candidat de vous rejoindre.
- Soyez vous-même, en tant que recruteur, vous serez évalué sur votre capacité à attirer les meilleurs talents, même si vous pensez être face au seul profil expert DBA Oracle Exadata de Paris, relativisez ! Il faut montrer au candidat que vous tenez à sa candidature, mais que son profil ne conditionne pas l’obtention d’un projet spécifique ou la survie d’une activité chez vous. Si vous montrez l’état de détresse de recrutement dans lequel se trouve votre entreprise, vous êtes sûr de semer le doute dans l’esprit du candidat. « Pourquoi n’arrivent-ils pas à recruter ? Quel est le problème au sein de cette société ? »
Restez ouvert, avenant, dans l’échange avec le candidat, soyez réactif lorsqu’il pose des questions… et vous serez surpris de voir qu’adopter une attitude « d’égal à égal », dans le respect de la position de chacun peut faire pencher la balance de votre côté !
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