Conseils Recrutement

La lettre de motivation a-t-elle encore une utilité ?

Selon une enquête RégionsJob de 2015, seul 16% des recruteurs jugeraient la lettre de motivation comme très importante dans un…

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Selon une enquête RégionsJob de 2015, seul 16% des recruteurs jugeraient la lettre de motivation comme très importante dans un recrutement !

La lettre de motivation est l’un des plus vieux outils utilisés dans l’histoire du recrutement, et fait partie du kit traditionnel de la candidature de base. Véritable casse-tête pour certains candidats qui tentent de produire un contenu original et personnalisé, d’autres se contentent simplement de reprendre des modèles stéréotypés et peu informatifs. Et c’est là toute la réflexion à mener autour de cet outil : est-il bien nécessaire de consacrer un temps non négligeable à lire des lettres qui se ressemblent toutes pour la plupart ? C’est ce que font désormais de plus en plus de recruteurs, prêts à laisser tomber la lettre pour se concentrer uniquement sur les CV…

Dans cet article, retour sur le rôle que tient aujourd’hui la lettre de motivation dans le processus de recrutement !

La lettre de motivation perd de l’importance mais reste encore utilisée

Selon une enquête WIT Associés, 76,4% des décideurs RH interrogés n’écartent pas une candidature qui n’est pas accompagnée d’une lettre de motivation !

Les recruteurs ne lisent pas les lettres de motivation accompagnant les CVs hors-cible

Si la lettre de motivation n’a pas complètement disparu dans le recrutement, plusieurs chiffres de l’enquête WIT Associés tendent à corroborer le fait que les recruteurs y accordent beaucoup moins d’importance. En effet, à peine un quart des recruteurs déclarent écarter une candidature lorsque celle-ci ne comporte pas de lettre de motivation. Au pire, le recruteur en demande une au candidat dans environ 30% des cas, mais n’écarte pas la candidature. La lettre de motivation sans un bon CV ne sert à rien : environ 7 recruteurs sur 10 ne lisent pas la lettre si le CV ne retient pas leur attention. Pire, celle-ci peut se révéler contre-productive si elle s’avère mal écrite ou avec de nombreuses fautes d’orthographe : 93,5% des recruteurs déclarent écarter systématiquement la candidature dans ce cas.

Au niveau des usages, c’est un fait : les recruteurs s’attardent désormais davantage sur le CV que sur la lettre de motivation, et celle-ci n’est qu’un « plus » dans la candidature. Pourtant, ce « plus » peut se révéler bien informatif sur quelques points, lorsque l’exercice est correctement réalisé.

La motivation peut-elle réellement se ressentir au travers d’une lettre ?

Selon une enquête RégionsJob de 2015, 87% des recruteurs déclarent que la motivation peut être un critère décisif pour départager 2 candidats !

La lettre de motivation bâtie sur un modèle unique est contre-productive

Même si chaque candidat réinvente chaque jour le format de la lettre en abordant tous les sujets possibles, la fonction première de cet outil a toujours été d’évaluer la motivation du candidat. Tout comme en entretien, le discours est intéressant lorsque le candidat met en avant des éléments précis de l’entreprise, du poste, ou du métier. Cela permet de voir si le candidat a fait des recherches sur l’entreprise, si sa candidature est « précise », ou au contraire diffusée en masse.

Les « à-côtés » de la lettre permettent aussi d’en savoir un peu plus sur le candidat. Comme évoqué dans l’enquête, les recruteurs peuvent apprécier le niveau d’orthographe et de syntaxe du candidat, ce qui peut être particulièrement important dans beaucoup de postes. D’autres apprécient les compétences graphiques des candidats, en demandant de « marketer » leur lettre comme une proposition commerciale. Cependant, si de mauvaises productions permettent d’écarter certains candidats, les meilleures ne permettent pas non plus d’avoir une idée précise de leurs compétences. Au final, la lettre de motivation sert davantage de faire-valoir au CV déjà retenu que de réel outil d’évaluation dans ce cas.

Peu d’éléments évaluables dans la lettre de motivation

« Les faits parlent d’eux-mêmes », Plaute, auteur latin.

Les bonnes lettres de motivation illustrent des faits au lieu de seulement les décrire

La liste des éléments évaluables à travers une lettre se révèle finalement assez courte. Comme mentionné plus haut, seules la motivation et certaines compétences de rédaction le sont. Cela peut être intéressant comme critère de pré-sélection, dans la mesure où certains recruteurs privilégient largement la motivation face à la compétence technique. Pour cette dernière, en revanche, l’outil est très peu fiable. En effet, la plupart des lettres contiennent souvent des affirmations invérifiables sur le moment : « Je suis force de proposition », « Je suis compétent sur tel domaine », « Je suis capable de mettre en place un leadership participatif », etc. Pour que les informations données soient réellement intéressantes, il faudrait que la personne rapporte des faits en détail, ce qui reste compliqué dans une lettre qui doit souvent tenir sur une page et rester captivante. Certains recruteurs essaient également de percevoir la personnalité du candidat à travers la lettre, mais les contenus n’informent en rien sur cet aspect. Tout le monde est capable de dire « Je suis à l’écoute », « Je suis d’une nature souriante », mais rien ne vient étayer ces qualificatifs. Au final, les seuls éléments réellement évaluables le sont également en entretien, moment beaucoup plus intéressant pour pouvoir les explorer, car le candidat est peu en mesure d’improviser.

Un outil souvent négligé dans sa réalisation

L’enquête Wit Associés montre que moins de 4 recruteurs sur 10 lisent systématiquement les lettres de motivations des candidats lorsqu’il y en a une !

Lorsqu’une lettre de motivation est réellement soignée et personnalisée, elle fait la différence

Dans la pratique, il peut être rare de tomber sur une lettre de motivation réellement travaillée. Il existe un nombre incalculable de sites qui proposent des modèles déjà tout faits, que certains candidats n’hésitent pas à reprendre sans un minimum d’adaptation, et à envoyer en masse aux entreprises. De plus, les informations disponibles sur les offres d’emploi sont parfois bien pauvres pour en tirer de vrais éléments afin de montrer sa motivation. Le candidat n’aura d’autre choix que d’extrapoler, ou de simplement décrire son parcours professionnel et ses qualités sans mettre en lien les éléments de sa candidature avec le poste. D’autre part, beaucoup de personnes ne sont pas à l’aise avec l’exercice, et n’arrivent tout simplement pas à retranscrire correctement leurs motivations à l’écrit, alors qu’elles y arriveraient plus facilement à l’oral. Tout comme l’entretien, l’outil nécessite d’avoir des compétences rédactionnelles qui y sont liées pour le candidat. Si le poste requiert ce type de compétences, ou une capacité de synthèse à l’écrit par exemple, alors l’exercice sera pertinent. En revanche, il y a beaucoup de postes qui ne nécessitent aucunement ces compétences, et utiliser la lettre de motivation serait donc inutile.

Au final, certains recruteurs ont tendance à mettre de côté la lecture de ces lettres de motivation. Il est facilement aisé de comprendre qu’avec un nombre souvent élevé de candidatures, un temps réduit pour les consulter, et une course contre la montre pour pouvoir dénicher les meilleurs candidats, les recruteurs préfèrent miser sur le CV, plus rapide à consulter, et solliciter directement le candidat par téléphone ou en entretien physique afin de l’évaluer plus objectivement.

La lettre de motivation n’est pas un outil inefficace en soi, loin de là. Mais son utilisation à bon escient demande de l’investissement de la part des candidats ainsi que des recruteurs, investissement qui semble être de plus en plus difficile à donner. Dans le cas où le recruteur exige une lettre de motivation pour les candidatures, le temps consacré au tri des candidatures est rallongé, et la probabilité de tomber sur une lettre réellement informative n’est pas très élevée. Le filtre de l’écriture peut aussi cacher une candidature de qualité, à qui il manque simplement des compétences rédactionnelles.

Au final, les éléments à évaluer dans une lettre de motivation peuvent tout aussi bien s’évaluer lors d’un entretien téléphonique ou physique. De plus, à l’ère où l’on privilégie davantage la personnalité et le savoir-être du candidat, les recrutements « sans CV », et donc sans lettre de motivation se multiplient. Au diable les formalités excessives et les courriers sans âmes, remettons l’humain au cœur du processus !

 

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À propos de l'auteur

Dalale Belhout

Directrice au sein de la Fondation FACE (Fondation Agir Contre l'Exclusion), Dalale dirige le Club des entreprises socialement engagées de Seine-Saint-Denis et sensibilise acteurs privés et publics aux enjeux de recrutement inclusif et de diversité en entreprise. Ancienne Head of Content chez DigitalRecruiters, elle est aujourd'hui ambassadrice du Lab'DR, une communauté d'experts qui partage réflexions et bonnes pratiques sur le blog. Dalale est par ailleurs co-auteur de plusieurs ouvrages dédiés au digital appliqué aux RH, à la marque employeur et au recrutement responsable et éthique, sujets sur lesquels elle intervient régulièrement en tant que conférencière.