Tout quitter pour élever des chèvres dans le Larzac ? Si un tel projet paraissait risqué il y a encore quelques années, il attire de plus en plus de cadres désireux de vivre à plein temps de leur passion. Comment expliquer cette tendance qui bouscule le monde de l’entreprise et interroge sur le rapport au travail des Français ? Décryptage d’un phénomène en pleine croissance : la reconversion passion.
Faire de ses loisirs son métier, une tendance en hausse chez les cadres
Les agences proposant des bilans de compétences semblent unanimes : les cadres sont de plus en plus nombreux à quitter leur emploi pour vivre de leur passion. Sans surprise, la crise du Covid-19 et les confinements qu’elle a engendrés sont en grande partie responsables de cette tendance qui ne se dément pas, trois ans après le début de la pandémie. Nombreux sont désormais les salariés à claquer la porte de leur entreprise et renoncer à un métier stable et rémunérateur pour vivre à 100 % de leurs loisirs. À cet attrait irrésistible vers les métiers « passion » s’ajoute une forte augmentation des reconversions vers l’entrepreneuriat, plébiscité par ces anciens employés bien décidés à devenir totalement maîtres de leur carrière.
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Le climat anxiogène provoqué par la pandémie de Covid-19 a incité les salariés à s’interroger sur le sens qu’ils souhaitaient donner à leur vie. Sans surprise, un nombre croissant d’entre eux a donc décidé de tout abandonner pour se tourner vers ce qui les fait « vraiment vibrer » au plus profond d’eux-mêmes : leurs loisirs. On constate, sans étonnement, que la plupart des métiers choisis par ces salariés sont davantage manuels, concrets et tangibles.
Le métier de rêve à l’épreuve de la réalité du marché
Pleins d’espoirs, voire d’illusions, les employés n’hésitent plus à renoncer à un salaire confortable et un contrat de travail stable pour se lancer dans la grande aventure de leur vie, faire une reconversion passion. Pourtant, de leur passion, ils oublient très souvent qu’ils n’en connaissent que les meilleurs aspects, ceux qui ne nécessitent pas de calculs comptables, de démarchage clients ni d’étude de marché.
Mal préparés pour la vie d’entrepreneur, ignorants des réalités des emplois associés à leurs loisirs, beaucoup se précipitent sans boussole dans une voie inconnue, complètement idéalisée. Le manque de formation, de professionnalisme et de connaissances du marché met fréquemment un terme prématuré à un projet professionnel qui sentait bon la liberté et le plaisir. Et c’est ainsi que le rêve s’arrête pour beaucoup de ces reconvertis, contraints de reprendre un métier plus conventionnel et moins palpitant.
La reconversion passion : une injonction qui pose question
Le phénomène de la reconversion passion illustre un nouveau changement de société : le remplacement de l’ancienne injonction à avoir un métier stable par celle consistant à avoir une passion. Habituellement, la plupart des parents, soucieux de l’avenir de leurs enfants, n’hésitent pas à leur couper les ailes et à les forcer à renoncer à leur passion pour s’orienter vers une voie plus sûre, offrant de solides perspectives professionnelles et financières.
Ces passions refoulées entraînent souvent un sentiment d’inachevé, une profonde frustration qui éclate en un changement radical de voie, dès que l’occasion le permet. Récemment, cette occasion s’est présentée de façon massive pendant la crise du Covid-19.
Les jeunes années de cette nouvelle décennie dessinent les contours d’une nouvelle injonction sociale : celle d’avoir une passion et de s’y consacrer le plus possible. En conséquence, les actifs exerçant des métiers que la société ne considère pas comme prestigieux, des emplois dits « dépourvus de sens », sont régulièrement victimes du mépris de celles et ceux ayant décidé de combiner vie professionnelle et passion individuelle.
Les réfractaires aux reconversions « passions » se distinguent par le plaisir qu’ils peuvent avoir à travailler et à contribuer, à leur échelle, à la société, ainsi que leur capacité à dissocier vie professionnelle et vie privée. Une distinction devenue pourtant impossible pour les cadres qui ne voyaient pas d’autre moyen de s’épanouir qu’en quittant leur entreprise. Une situation qui impose aux employeurs de se questionner sur le rôle de l’entreprise dans ce phénomène.
Le phénomène des reconversions « passion » : quelle attitude adopter pour les ressources humaines ?
La volonté de concilier sereinement vie professionnelle et vie privée, d’échapper à un management malveillant et de contrôler sa carrière : voici les trois principales raisons qui poussent chaque jour de nombreux cadres à déposer leur démission, à défaut de trouver, dans leur travail, des réponses à leurs attentes. Autant d’éléments sur lesquels l’entreprise a pourtant le pouvoir d’agir afin de soulager et de satisfaire ses collaborateurs.
Éviter les démissions en cascade et retenir les meilleurs talents est possible en agissant sur certains leviers fondamentaux :
- Temps de travail : il est indispensable que la politique RH permette une révision totale des conditions de travail. Cela passe par une redéfinition des horaires et du temps de travail. Les métiers à missions doivent bénéficier de plus de flexibilité concernant le temps de travail dévolu à leurs objectifs et les horaires de travail. Plus de flexibilité permet de mieux concilier ses objectifs professionnels avec ses aspirations personnelles et augmente le sentiment de bien-être au travail.
- Management : bien sûr, les méthodes de management doivent être scrutées de façon scrupuleuse afin de chasser toute attitude malveillante et toxique. L’employé doit se sentir foncièrement utile dans son entreprise et dans la société pour qu’il ait envie de rester à son poste.
- Évolution de carrière : proposer une évolution de carrière satisfaisante, en multipliant les chemins possibles, en offrant un programme de formation diversifié conciliant les objectifs de l’entreprise et les envies personnelles, maintient le salarié dans une position de contrôle sur sa vie professionnelle. Le congé de respiration, les formations régulières, la pratique du bénévolat sont autant d’options à la disposition de l’entreprise.
Les reconversions « passion » vont-elles retomber comme un soufflet, une fois passés le cap de la création d’entreprise et la confrontation à la réalité du marché pour ces cadres en manque de créativité ? L’avenir nous dira si ces métiers de rêves n’ont tout simplement pas fini par tuer les passions profondes de ces salariés déçus par leur entreprise. Au-delà de ce mouvement de société, les reconversions de ce type doivent interroger l’entreprise sur sa responsabilité dans ces démissions en hausse et les leviers qu’elle se doit d’actionner pour améliorer le bien-être au travail et redonner du sens aux différents métiers qu’elle propose.
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