Conseils Recrutement

Entretien de recrutement : les questions interdites par le cadre juridique

Selon une enquête du Défenseur des droits et de l’Organisation Internationale du Travail (OIT) menée en 2014, 3 actifs sur…

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Selon une enquête du Défenseur des droits et de l’Organisation Internationale du Travail (OIT) menée en 2014, 3 actifs sur 10 ont déjà été victimes de discrimination à l’embauche !

L’entretien est dans la grande majorité des cas une étape incontournable dans un process de recrutement. En effet, même si des méthodes de plus en plus novatrices ont fait leur apparition dans les entreprises, l’entretien constitue toujours une rencontre décisive entre le recruteur et le candidat. C’est donc l’occasion de faire connaissance, d’en apprendre plus, et ce aussi bien pour celui qui veut décrocher le poste que celui qui le propose !

Cependant, l’entretien est un événement particulier avec un cadre juridique établi en délimitant les contours. En outre, le recruteur n’a pas le droit de poser des questions sur tous les aspects de la vie privée du candidat pour ensuite effectuer sa sélection sur la base de critères dont les liens avec le poste ne seraient pas pertinents.

Dans cet article, un rappel de l’importance particulière que revêt l’entretien de recrutement et un panorama des questions interdites par le cadre juridique !

Un entretien pour quel objectif ?

« Les informations demandées, sous quelque forme que ce soit, au candidat à un emploi ne peuvent avoir comme finalité que d’apprécier sa capacité à occuper l’emploi proposé ou ses aptitudes professionnelles. Ces informations doivent présenter un lien direct et nécessaire avec l’emploi proposé ou avec l’évaluation des aptitudes professionnelles. » Article L1221-6 du Code du Travail.

Vérifier l’adéquation entre le poste et le candidat !

Avant de traiter des questions qui sont interdites par le cadre juridique, il convient de parler dans un premier temps de ce qui est autorisé, ou bien dans une plus large mesure, de la fonction d’un entretien de recrutement. En effet, ce type d’entretien apparaît à un moment particulier, celui où un recruteur a déjà présélectionné des CVs et où une prise de contact a déjà été faite.

Que ce soit par le biais du téléphone ou d’un entretien physique, lorsque cet événement a lieu, le recruteur est déjà intéressé par le profil qui lui a été proposé. Ce qui a été retenu dans le cadre du process de recrutement concerne les éléments mis en avant dans le CV par le candidat. Ce sont donc ces aspects que le recruteur doit questionner et approfondir afin de s’assurer que la personne peut devenir un futur collaborateur et s’intégrer au sein de l’entreprise.

Le recruteur est tenu de poser des questions visant à savoir si le candidat est apte à remplir les conditions du poste d’un point de vue professionnel. Ces conditions concernent entre autres les compétences, les motivations ou encore par exemple le projet professionnel. La finalité est de savoir si le collaborateur est en adéquation avec ce qui est légitimement exigé.

Compte-tenu de ces conditions, les éléments faisant partie de la sphère privée du candidat n’ont pas à être soulevés par le recruteur. En effet, même si certains facteurs peuvent dans une certaine mesure influencer la prise de poste d’un nouveau collaborateur, comme par exemple le fait de vouloir fonder une famille et qui engendrerait un congé maternité suivi potentiellement d’un congé parental, ceux-ci se situent en dehors du cadre professionnel et ne doivent en aucun cas interférer dans le choix final d’intégration du profil au sein de l’entreprise.

Il convient donc de maîtriser les limites légales de questionnement afin d’éviter tout problème juridique. Par exemple, le recruteur peut demander au candidat s’il possède le permis, cette information ayant un lien avec des exigences de déplacements professionnels. En effet, cela n’a rien d’anormal tant qu’il s’agit d’un critère pertinent au regard du poste proposé. Autre subtilité, le candidat peut avoir à répondre sur son casier judiciaire. C’est souvent le cas par exemple lorsqu’une société cherche à recruter un agent de sécurité, car il s’agit d’un poste soumis à une autorisation préfectorale. Nous voyons néanmoins systématiquement un lien clair entre ce qui est demandé et la possibilité d’assurer les fonctions du poste dans de bonnes conditions.

Dans le cadre d’un recrutement, les questions peuvent donc porter sur l’expérience du candidat ou encore sur sa manière d’appréhender une situation particulière. Bien évidemment, d’autres formes d’évaluation sont autorisées pour analyser les candidatures. Ainsi, faire passer un test de personnalité ou effectuer une mise en situation n’entrainera pas de problème juridique, car il s’agit bien d’une évaluation de la performance ou de l’adéquation entre la personne et le poste. Il est à noter cependant l’obligation de l’employeur de prévenir le candidat lorsque des tests techniques ou de personnalité lui sont proposés.

Les questions interdites par la loi durant l’entretien

« Aucune personne ne peut être écartée d’une procédure de recrutement […] notamment en matière […] de son orientation sexuelle, […] de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, […] » Article L1132-1 du Code du Travail.

Ne pas glisser vers la sphère privée !

Après donc avoir présenté l’intérêt de l’entretien et les questions qui pouvaient être posées, nous allons justement voir celles qui sont tout simplement interdites dans le cadre d’un recrutement professionnel !

Dans un premier temps, les questions qui concernent la situation personnelle du candidat sont à bannir. Il s’agit notamment des questions qui sont en lien avec le statut marital, l’état de santé ou encore par exemple l’orientation sexuelle. A ce niveau, on se situe sur la sphère la plus privée de l’individu et le recruteur n’a pas à connaître ces aspects afin de le recruter.

Autre catégorie de questions, celles se rapportant à l’appartenance syndicale, politique ou concernant la religion. En effet, l’employeur n’a pas à savoir quelles sont les orientations politiques et sociales de ses employés. Les collaborateurs ont le droit d’avoir leur propre opinion sur des sujets sans que cela ne porte atteinte à la stabilité de leur emploi.

Enfin, dans ce que l’on pourrait qualifier de dernière catégorie de questions, nous trouvons celles qui sont en lien avec les origines du candidat. En France, la législation concernant le racisme est très stricte, donc si le recruteur refuse une candidature et qu’une question de ce type a été posée, l’entreprise encourt de graves sanctions. En effet, il est alors question de discrimination ethnique ou raciale et le candidat peut saisir la HALDE, la Haute Autorité de Lutte contre les Discriminations et pour l’Egalité pour demander réparation.

Quelles conséquences pour le recruteur maladroit ?

La personne physique à l’origine de la discrimination non basée sur des caractéristiques professionnelles peut encourir jusqu’à 45 000 euros d’amende et 3 ans de prison !

Des effets multiples !

S’ils se sentent lésés, les candidats peuvent porter plainte et saisir le Conseil des Prud’hommes. Pour cela, la personne doit rassembler les éléments qui laissent à penser qu’il y a bien eu discrimination et si la plainte est validée, ce sera au recruteur de prouver qu’aucune différence de traitement n’a eu lieu ou alors que la décision prise ne portait que sur des aspects purement professionnels.

Si jamais le tribunal donne raison au candidat, une sanction civile peut être prononcée et l’entreprise devra verser les dommages et intérêts qui peuvent varier en fonction de ce qu’a demandé la victime. Les peines infligées aux personnes morales, notamment les entreprises, peuvent s’élever jusque 225 000 euros et mener à une interdiction d’activité dans le secteur où l’infraction a été commise.

En termes d’images, les conséquences peuvent également être désastreuses pour l’entreprise. Dans un premier temps l’expérience candidat est complètement altérée et si l’affaire est rendue publique, la portée des effets négatifs peut s’étendre assez fortement et durablement, notamment avec la puissance des réseaux sociaux agissant comme des relais continus de diffusion.

L’entretien de recrutement est un outil essentiel à une entreprise pour mener son activité sur le long terme. Comme toute activité à fort enjeu, si elle est mal exécutée des conséquences négatives peuvent se répercuter sur le développement d’une société. Lorsqu’il s’agit d’un problème juridique, l’issue peut être dramatique, aussi, veillez à ce que les questions posées en entretien concernent bien la capacité d’une personne à occupe un poste au risque de vous exposer à de lourdes sanctions financières !

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À propos de l'auteur

Dalale Belhout

Directrice au sein de la Fondation FACE (Fondation Agir Contre l'Exclusion), Dalale dirige le Club des entreprises socialement engagées de Seine-Saint-Denis et sensibilise acteurs privés et publics aux enjeux de recrutement inclusif et de diversité en entreprise. Ancienne Head of Content chez DigitalRecruiters, elle est aujourd'hui ambassadrice du Lab'DR, une communauté d'experts qui partage réflexions et bonnes pratiques sur le blog. Dalale est par ailleurs co-auteur de plusieurs ouvrages dédiés au digital appliqué aux RH, à la marque employeur et au recrutement responsable et éthique, sujets sur lesquels elle intervient régulièrement en tant que conférencière.