Un excès de confiance en soi peut souvent cacher de profondes et sérieuses lacunes. C’est ce qu’on appelle l’effet Dunning-Kruger, ou l’effet de surconfiance. Si l’on connaît tous au moins une personne incarnant ce biais cognitif, ses conséquences peuvent se révéler désastreuses en entreprise, surtout durant chaque recrutement.
L’histoire d’un biais cognitif très répandu
En 1995, David Dunning et Justin Kruger, professeurs de psychologie à l’Université de Cornell, aux États-Unis, découvrent la surprenante mésaventure de McArthur Weeler. Ce dernier venait de braquer deux banques coup sur coup avec pour seul moyen de dissimulation, du jus de citron aspergé sur son visage. L’apprenti braqueur était persuadé que le liquide agirait sur lui à l’instar de l’encre invisible, le rendant indétectable lors de ses holdups.
Ebook : Bonnes pratiques pour recruter à flux tendus
Une gestion efficiente et à flux tendu s’avère donc plus que nécessaire. Objectif : 0 candidature en attente !
Face à cet excès de confiance, fondé sur une croyance inattendue, les deux chercheurs décident de mener une étude auprès de 65 de leurs étudiants. Après les avoir soumis à une batterie de tests portant sur l’humour, la logique, ainsi que la grammaire ou encore la logique, les résultats obtenus par Dunning et Kruger sont sans appel : les étudiants les moins compétents étaient également ceux qui surestimaient leurs capacités, tandis que les plus doués se sous-estimaient.
Plus d’un siècle avant l’histoire de McArthur Weeler, Darwin expliquait déjà que « l’ignorance engendre la confiance en soi plus fréquemment que ne le fait la connaissance ». Cela étant, il n’est pas difficile de comprendre pourquoi la confiance dépasse la compétence. En effet, une personne peu compétente n’est pas en mesure de savoir tout ce qu’il lui reste à apprendre pour maîtriser un sujet. Elle est aveuglée par ses croyances et son ignorance et n’est, en réalité, pas assez compétente pour se rendre compte de sa propre incompétence. À l’inverse, une personne compétente est consciente de la difficulté d’une mission à accomplir et doutera plus facilement de ses propres capacités.
L’effet Dunning-Kruger et ses conséquences en entreprise
Si l’effet Dunning-Kruger peut faire sourire quand il s’agit de se rendre invisible avec du jus de citron, ses conséquences peuvent être nettement moins amusantes dans le monde de l’entreprise. Peu importe qui en est atteint, les répercussions sur l’ensemble de l’équipe entravent sa progression, sa productivité et sa bonne communication.
Mauvais recrutement de candidats
Le premier piège tendu par l’effet Dunning-Kruger est à l’égard des professionnels des ressources humaines, et notamment du recrutement. C’est un écueil bien connu dans le monde du travail, les personnes les plus confiantes s’attirent plus facilement la sympathie des décideurs.
Au moment de l’entretien d’embauche, leur excès d’assurance peut réussir à masquer leurs lacunes et séduire les recruteurs. Le collaborateur “incompétent” mais surconfiant, sera incapable de reconnaître ses faiblesses, refusera très probablement de se former, ainsi que de respecter les consignes. Son attitude inadaptée pourra donc semer le trouble et la confusion au sein de son équipe.
Promotions infondées
Sûres d’elles, les personnes souffrant d’un trop-plein de confiance ont la fâcheuse tendance à s’attribuer tout le mérite résultant d’un travail collectif. Incapable de mesurer la réelle portée de leurs actions, aussi limitées soient-elles. Pleines de bagou et écrasant leurs collègues de tout le poids de leur lacune, elles parviennent à se faire bien voir de leur hiérarchie et décrochent, plus facilement que les autres, promotions et augmentations de salaire. Une entreprise qui n’arrive pas à endiguer l’effet Dunning-Kruger prend ainsi le risque de voir les personnes les moins capables gravir les échelons de l’entreprise, créant, in fine, un embouteillage d’incompétents aux postes les plus élevés.
Management néfaste et narcissique
Quand un incompétent qui s’ignore est nommé à un poste de manager, les conséquences sont aussi négatives qu’immédiates. Incapable de piloter une équipe de personnes plus compétentes que lui, le manager ignorant tentera de combler ses lacunes par un excès d’autorité, une obsession pour les détails les plus insignifiants et une incapacité chronique à encadrer ses collaborateurs. Narcissique, le manager incompétent est aussi aveugle et totalement inopérant.
Conflits et tension au sein de l’entreprise
Écrasés par leur collègue ignorant et narcissique, entravés dans leur progression personnelle, ses collaborateurs directs sont les premières victimes de l’effet Dunning-Kruger. Jalousie, fatigue, remise en question permanente, mauvaise communication, problèmes de management, sont autant d’éléments qui conduisent invariablement aux conflits, aux tensions, aux burnouts et aux démissions inopinées.
Performance collective freinée
Véritable vampire psychique, l’ignorant qui s’ignore ne met pas seulement l’ambiance générale de l’entreprise en péril, il plonge également l’entreprise dans un cycle de sous-performance qui peut lui être fatal. C’est d’autant plus vrai quand il occupe un poste de direction, surtout s’il l’a obtenu à force de promotions indues, offertes par des décideurs séduits et aveuglés par son assurance. Incapable de dénicher les nouvelles tendances, refusant d’admettre que ses connaissances ne sont pas à jour, il peut mener la stratégie économique de l’entreprise dans une véritable impasse.
Comment contrer l’effet Dunning-Kruger ?
Il est possible de lutter contre ce biais cognitif et intellectuel à condition de prendre des mesures rigoureuses. Être conscient de ce qu’est et implique l’effet Dunning-Kruger et accepter qu’on puisse en être une victime directe ou indirecte sont les premières étapes pour s’en affranchir.
Revoir son mode de recrutement et la grille de critères permettant l’embauche est indispensable pour ne pas être berné par un incompétent trop sûr de lui. Mettre au point une chasse aux véritables talents efficace est le premier rempart contre cet écueil dévastateur. Une fois l’équipe constituée, il est important de mettre en place de bons outils d’évaluation afin de détecter les lacunes et faiblesses de chaque collaborateur.
Savoir mettre les salariés face à leur ignorance de façon à les inciter à étoffer leurs connaissances et leurs compétences est un impératif. De même, il est important de construire un dispositif de formations, de mentorat et une culture de management qui tire vers l’excellence et contribue à une communication sereine et spontanée entre collaborateurs.
Les managers et l’ensemble des décideurs doivent également faire face à leurs potentielles faiblesses en demandant des feedbacks réguliers et anonymes à leurs collaborateurs. Ceux-ci doivent pouvoir alerter sur un effet Dunning-Kruger possible en toute confiance et sans attendre. Bien entendu, les responsables hiérarchiques doivent être prêts à se former et à combler leurs lacunes, dès lors qu’elles sont identifiées.
Enfin, il est important de veiller à ce que les meilleurs talents se sentent à l’aise et puissent déployer tout leur savoir-faire pour le bien de leur équipe et de la stratégie globale de l’entreprise. Les rassurer, les encourager et les mettre en avant contribuent également à éteindre les flammes ravageuses des collaborateurs incompétents.
Que ce soit au moment de proposer sa candidature, ainsi qu’à n’importe quelle autre étape de sa carrière, il est important de connaître ses limites et ses forces et de toujours tendre vers l’amélioration et le dépassement de soi, sans jamais se reposer sur ses lauriers. Différencier un candidat ou un collaborateur foncièrement compétent et efficace d’un professionnel sachant se vendre et animé d’une force de persuasion redoutable est tout aussi indispensable pour contrer l’effet Dunning-Kruger.
Ebook : Bonnes pratiques pour recruter à flux tendus
Une gestion efficiente et à flux tendu s’avère donc plus que nécessaire. Objectif : 0 candidature en attente !
Crédit photo : Pixabay.com